Netflix tente d’en mettre plein la vue à son public avec la diffusion de Love Is Blind, une série de téléréalité dans laquelle un troupeau de célibataires sont poussés à former des couples, mais sans savoir à quoi ressemble physiquement leur conquête. Le déroulement de la série a enflammé les réseaux sociaux ces derniers jours. Au travers des commérages, certains spectateurs s’interrogent sur le bien-fondé du concept, reconnaissant qu’on peut y devenir accro.

Dans le cadre de cette émission, les candidats communiquent entre eux par paire et tour à tour, en s’installant dans des cabines à partir desquelles ils peuvent converser sans voir leur interlocuteur ou interlocutrice. Ils sont ensuite incités à former des couples, allant jusqu’à nouer des fiançailles avec des personnes dont ils n’ont jamais vu le visage. Une sorte de rejeton monstrueux issu de la copulation entre Occupation double et colin-maillard (vous savez, ce jeu qui se joue les yeux bandés…).

Bande annonce de Love Is Blind (en anglais)

« “Cette émission est tellement stupide”, dis-je en cliquant sur Next Episode. #LoveIsBlind », résume dans un tweet une jeune spectatrice de l’émission, visiblement incapable de décrocher malgré cette prise de conscience.

« Si c’est fait pour une téléréalité, les gens sont axés davantage sur le spectacle que ça donne que sur les sentiments profonds qu’ils pourraient développer. Ça peut être un divertissement comme un autre », note la psychologue Rose-Marie Charest, soulignant le paradoxe que tous les candidats, hommes ou femmes, sont des « modèles de beauté ». 

« Maintenant, si on le voit comme une façon de comprendre les relations amoureuses, cela ne nous informe pas du tout sur leur fonctionnement. […] Les personnes qui embarquent là-dedans devraient être éclairées dès le départ. Ce qui nous permet de connaître quelqu’un, ce sont les expériences qu’on partage, pas les choses qu’on se dit l’un à l’autre. Combien de personnes s’entendant très bien sont parties en voyage ensemble et, une fois revenues, ne pouvaient plus se supporter ? », rappelle Mme Charest.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Love Is Blind

Elle juge toutefois intéressant le fait que les candidats ne puissent pas se voir au début, la composante physique jouant normalement un rôle de premier plan dans le mécanisme de séduction et de développement d’un lien amoureux. Elle craint toutefois que la spontanéité ne soit vraiment pas au rendez-vous sous le feu des caméras.

Et pourtant, des hordes de téléspectateurs restent rivées à leurs écrans, un œil suivant les amourettes aveuglées de Jessica, Mark, Lauren et consorts, l’autre sur les réseaux sociaux pour suivre médisances et potinages.

« C’est quand même triste de voir, et les producteurs le savent, à quel point il y aura un grand public. À quel point la population est-elle en mal de connaître l’intimité des autres ? Vibre-t-elle aux émotions des autres, sans aucun lien ? Il y a une espèce de détresse, selon moi, dans le fait de regarder comment d’autres personnes peuvent vivre des rêves ou amorcer une relation amoureuse », analyse la psychologue, qui compare cet intérêt à celui pour les billets de loterie. « C’est rester dans le rêve qui ne nous met pas sur le chemin de notre propre réalité pour rencontrer les personnes que l’on veut rencontrer et réaliser notre rêve à nous. »