Rédactrice en chef adjointe du magazine Grazia, la journaliste britannique Rosamund Dean trouvait qu’elle buvait trop, mais ne ressentait pas l’envie – ni la nécessité – de cesser l’alcool (elle savait qu’elle n’était pas alcoolique). Ce qu’elle souhaitait, c’était de modérer sa consommation. Nous l’avons jointe à Londres pour parler de son livre Boire en toute conscience.

Q. Vous avez commencé à écrire votre livre après que vous avez personnellement décidé de modérer votre consommation ?

R. Tout à fait. La rédaction de ce livre a été comme un voyage pour moi. Il existait plusieurs livres et informations sur les façons d’arrêter de boire, mais moi, je voulais diminuer ma consommation. Je n’avais pas envie de renoncer à l’alcool. Je crois que plusieurs personnes ressentent cela, et il n’y a pas grand-chose qui existe pour eux.

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS DE MORTAGNE

Boire en toute conscience, de Rosamund Dean, paru en janvier aux Éditions de Mortagne (traduction française de Mindful Drinking, publié en 2017), 248 pages.

Q. Pourquoi tant de personnes échouent-elles à modérer leur consommation ?

R. La modération, à plusieurs égards, c’est beaucoup plus difficile que la sobriété. Être sobre, c’est une position simple et ferme. Je ne bois pas, jamais. Tout le monde le sait, vous n’avez pas à prendre différentes décisions. Mais quand vous modérez votre consommation, des questions se posent tous les jours : est-ce que je bois aujourd’hui ? Quelle quantité je bois ? Qu’est-ce que je bois ? Que vais-je dire aux gens qui m’offrent un verre ? Il y a plus d’occasions de glisser et de retomber dans ses mauvaises habitudes.

Q. La modération est-elle pour tout le monde ? Ce n’est pas une solution pour tous les types de problèmes d’alcool.

R. C’est une question intéressante, parce que je sais qu’il existe différentes écoles de pensée sur l’alcoolisme et les problèmes de dépendance. Je dirais que tout le monde est différent, mais que la plupart des gens sont capables de modérer leur consommation s’ils le font d’une façon structurée qui inclut des outils pour les aider. Si vous décidez simplement de modérer votre consommation sans véritable plan, alors ce sera très, très difficile.

Q. La clé du succès, c’est donc d’avoir un plan ?

R. C’est vital. Quand j’essayais de boire moins, sans plan, je me disais quelque chose comme : « Je vais seulement boire une couple de verres à cette soirée entre collègues. » Mais après avoir consommé ce couple de verres, l’autocontrôle et l’habileté à se modérer partaient souvent en fumée [rires]. Il faut vraiment établir une structure. J’appelle la mienne la règle de trois. Je bois seulement trois jours par semaine, un maximum de trois verres chaque fois – je dis maximum, car je bois souvent moins que cela. Cette structure me permet de prévoir les jours où je boirai et ce que je boirai.

Q. Mais n’est-ce pas difficile de s’en tenir à sa structure après avoir bu vos deux ou trois verres ?

R. Ça vient avec la pratique ! Ce qui nécessite aussi de la pratique, c’est de socialiser sans boire. Je ne connais pas la culture de la boisson au Canada, mais au Royaume-Uni, les adolescentes boivent beaucoup. Du moins, c’était le cas dans mon temps, dans les années 90. Avant que je commence à essayer de modérer ma consommation, je n’étais jamais allée à un party sans boire. Comme dans toute chose, on ne réussit pas du premier coup. Je crois qu’il faut accepter qu’il y aura des fois où vous boirez plus que prévu. Ne soyez pas trop durs envers vous-mêmes. Voyez plutôt ces rechutes comme des occasions de mieux cibler les raisons qui vous ont poussé à boire plus.

Q. En plus de préconiser 28 jours sans alcool au début du processus de modération, votre méthode inclut de la pleine conscience. Est-ce que la pleine conscience est essentielle pour réussir ?

R. Je ne dirais pas que c’est essentiel, mais la pleine conscience peut aider à mieux se connaître et à mieux saisir ses émotions. Ça permet de prendre conscience des raisons pour lesquelles on boit trop : la solitude, l’ennui, le stress… Une chose que j’essaie de faire, maintenant, c’est de ne jamais boire pour des raisons négatives. Je ne reviens jamais à la maison en me disant : « J’ai eu une journée stressante, je vais me faire un gin-tonic. » J’essaie de boire uniquement dans un cadre positif, festif.

Q. Votre consommation est passée d’une moyenne de 24 unités d’alcool par semaine à un maximum de 9 aujourd’hui. Quel a été l’impact de cette réduction sur votre vie ?

R. Ça a fait une énorme différence. Le plus gros changement, c’est de ne plus me réveiller le matin avec la tête qui tourne. Vous savez, quand il est difficile de lever sa tête de l’oreiller ? Je me réveille avec les idées claires. Sur le plan de la coquetterie, ça fait du bien à la peau et vous perdez du poids – si, bien sûr, vous ne remplacez pas l’alcool par du gâteau ! Je n’étais pas saoule tous les jours, mais je prenais toujours un verre de vin pour souper : le fait d’avoir des journées sans alcool offre un repos complet à mon corps.