Le bonheur est rarement facile ou permanent. Qu’à cela ne tienne, cet état de grâce est à la portée de tous, malgré les épreuves de la vie, voire grâce à elles. La Presse rencontre chaque semaine quelqu’un qui semble l’avoir apprivoisé.

Nassima Djemai aide certaines femmes (et quelques hommes) à être mieux dans leur peau. Avec ses appareils à la fine pointe, elle répare les dermes fatigués, usés, voire gravement abîmés, sans injections. L’esthéticienne se qualifie d’ailleurs de thérapeute de la peau. C’est parce qu’elle est très bien dans la sienne, entre autres, qu’on a voulu vous la présenter.

« Moi, je n’ai pas peur de vieillir. Des rides d’expression, du caractère qui apparaît dans le visage, j’accepte ça. Je suis pour une beauté plus naturelle. J’aime travailler en profondeur et permettre à mes clientes de moins avoir recours à toutes sortes d’autres artifices. J’en ai qui ne portent carrément plus de maquillage », raconte la très énergique femme de 37 ans.

Si Nassima ne craint pas de vieillir, c’est peut-être parce qu’elle a choisi de ne pas trop miser sur les apparences, sur ce que le monde extérieur peut penser de son train de vie. « Nous sommes tellement pris dans le monde matériel, avec un rythme de consommation effréné. J’ai décidé que je n’avais pas besoin de tout ça. Je n’ai pas besoin d’avoir une très grosse maison, une voiture de luxe, des vêtements chers pour être heureuse. Ma priorité, c’est que mes enfants aient une bonne éducation et beaucoup d’amour. »

Ce qui a contribué au confort de l’esthéticienne, dont la cabine est située dans le Local B, à Outremont, c’est plutôt le fait de s’être rapprochée de son boulot et de l’école de ses enfants de 6 et 9 ans. La petite famille est partie de Montréal-Nord pour s’installer dans un appartement de location, à Saint-Laurent. La qualité de vie du quatuor est montée en flèche.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Arrivée d’Algérie à 12 ans, Nassima Djemai a été victime d’intimidation. Aujourd’hui, elle dit être contente de sa vie. « Elle s’est construite étape par étape, à force de sacrifices, de moments difficiles, parfois, mais aussi d’entraide et de patience », dit-elle.

Le bonheur augmente, bien souvent, à mesure qu’on apprend à laisser aller les choses, à être à l’écoute des messages que nous envoie l’univers. Mais des fois, il faut aussi faire des choix et poser des gestes concrets pour créer un contexte dans lequel il est plus facile de s’épanouir.

Nassima Djemai

Ça ne fait aucun doute, Nassima est une femme d’action, organisée et persévérante. Lorsqu’on a diagnostiqué un trouble de déficit d’attention avec hyperactivité à son fils, elle a d’abord voulu essayer toutes les solutions de rechange à la médication.

« En accompagnant mon fils dans tout ça, j’ai réalisé que j’avais moi-même un TDAH et je me suis comprise à travers lui. J’ai vu pourquoi j’avais été un échec du système scolaire. » Foi de Nassima, ses enfants, eux, ne seront pas un échec du système scolaire. Maman veille au grain ! Ils fréquentent une école musulmane, considérée comme un des meilleurs établissements à Montréal.

Arrivée d’Algérie à 12 ans, avec son frère et ses parents, la préadolescente avait eu tout un choc. « J’ai été victime d’un peu d’intimidation, parce que je ne venais pas d’ici, que je ne parlais pas comme les autres, que je ne m’habillais pas comme eux non plus. Mais je me suis fait un peu d’argent, je me suis acheté quelques vêtements pas chers, mais plus adaptés, j’ai assumé ma différence et la perception des autres a changé. »

Aujourd’hui, lorsqu’elle voit les réfugiés qui se font refouler aux frontières et les familles séparées de force, Nassima prend la mesure de sa chance, étant elle-même passée par les États-Unis pour entrer au Canada. Son père, malgré un retour aux études en comptabilité, n’a jamais réussi à trouver du travail dans son domaine. Il a cumulé quelques boulots. Sa mère a travaillé elle aussi. Sans doute auraient-ils aimé que leur fille fasse autre chose que le métier d’esthéticienne, croit celle qui bosse maintenant à son compte, mais le sort en est jeté.

« Je suis contente de ma vie. Elle s’est construite étape par étape, à force de sacrifices, de moments difficiles, parfois, mais aussi d’entraide et de patience. Quand tu donnes du bon, tu reçois du bon. Le bonheur entraîne le bonheur. Je crois vraiment à la collaboration, dans une communauté, dans une famille, dans un couple. »

Elle repense à son deuxième congé de maternité, qui n’a duré qu’un mois. « Je venais de lancer ma petite entreprise d’esthétique. J’ai dû retourner au travail rapidement. On m’a beaucoup jugée. Mais le côté positif de cette situation, c’est que mon mari a pris le congé parental. Il est resté à la maison avec la petite et il a alors pu voir ce que c’était, la vie avec un bébé. Ça a équilibré le partage des tâches de façon bien efficace ! »

Nassima est très près de sa famille et de sa belle-famille. Elle côtoie frère, parents, cousins, cousines, neveux et nièces pratiquement toutes les semaines. « Il faut que les gens se rassemblent davantage. Ça prend des milieux sains, des milieux d’amour. C’est ça qui rend heureux. Le sourire, le câlin d’un enfant, c’est ça qui est censé nous booster dans la vie. Le bonheur, il est là. Qu’on arrête de chercher. Qu’on arrête d’acheter pour combler le vide. »

QUESTIONNAIRE BONHEUR

Qu’est-ce qui nuit à ton bonheur ?

« La peur de l’autre. J’aimerais bien qu’on en finisse avec ça. S’ouvrir aux autres, ce n’est que du gain. Vivre au Québec et à Montréal en particulier, ça m’a permis de connaître le monde à travers toutes sortes de nationalités. »

Quels sont tes petits bonheurs ?

« Je suis vraiment une citadine. J’aime aller au resto et dans les petits cafés. Plus il fait chaud, plus j’ai envie d’être dehors. On fait tous les lacs autour de Montréal. Là, c’est plutôt la glissade sur le mont Royal ! »

Qu’est-ce qui pourrait te rendre encore plus heureuse ?

« J’adore Montréal. Au Québec, je ne vivrais jamais ailleurs qu’à Montréal parce que c’est une ville ouverte, tolérante. Mais si je pouvais faire ce que je fais près de la mer, au soleil, je ne dirais pas non ! »