Le bonheur est rarement facile, ni permanent. Qu’à cela ne tienne, cet état de grâce est à la portée de tous, malgré les épreuves de la vie, voire grâce à elles. La Presse rencontre chaque semaine quelqu’un qui semble l’avoir apprivoisé.

Alexandre Bergeron croit qu’il est né avec le bonheur facile. Garçon excentrique, amateur de pouliches et de princesses, il n’a pas eu une enfance tout à fait comme les autres, dans son patelin de Charlevoix. Mais (presque) toujours, le comédien-joaillier a su voir le bon côté des choses.

Certes, il y a eu des difficultés, du découragement, une déception amoureuse à se rouler en boule sur le sofa pendant des semaines. Il y a eu des angoisses de logement, du trac et des moqueries. Mais la grande anxiété, la dépression, les idées noires comme un puits sans fond, Alexandre ne s’est jamais approché de ça, contrairement à nombre de ses amis.

Si certaines personnes aiment la routine et les trajectoires bien droites, Alexandre n’y trouve, pour sa part, aucun bien-être.

Cet été, chez sa maman charlevoisienne, il a parcouru son livre de naissance. « C’est écrit que j’étais un bébé heureux, avec le sourire facile. Dès mes premiers mois, j’aimais la douceur, je riais beaucoup, mais j’avais peur des bruits forts et des objets durs. »

À 5 ans, alors que son frère demandait un train électrique pour Noël, Alexandre voulait des pouliches, au grand désarroi de son père. « Il faisait semblant de ne pas m’entendre. »

Qu’à cela ne tienne, sa maman chérie passait l’Halloween en cachette avec un petit Alexandre déguisé en princesse, dans un quartier éloigné de la maison. À l’école, on le traitait de « tapette ». Il n’y comprenait rien. « Moi je trippais sur Pamela Anderson ! » Ce n’est qu’au cégep qu’il s’est donné la permission de remettre en question son orientation sexuelle.

Par chance, il y a eu le théâtre, qui lui a permis de s’exprimer, voire de justifier sa différence dès le primaire. Aussi s’est-il inscrit à l’école de théâtre du cégep de Saint-Hyacinthe, à 16 ans. Il a terminé sa formation en interprétation avec un cours de voix au Conservatoire d’art dramatique de Montréal.

Le confort dans l’inconfort

Aujourd’hui, à 34 ans, il est comédien et joaillier, deux métiers qui ne sont pas les plus stables et confortables, mais qui, pour lui, se complètent bien. Ses occupations communiquent, même, les clowns et les pierrots étant parmi les thèmes forts de ses premières créations en or, en argent et en pierres.

Je pourrais être déçu de ne pas avoir la carrière de comédien dont j’avais rêvé, remplie de grands rôles et de défis créatifs. Mais la joaillerie me permet de m’exprimer artistiquement, alors l’équilibre est là.

Alexandre Bergeron

Si certaines personnes aiment la routine et les trajectoires bien droites, Alexandre n’y trouve, pour sa part, aucun bien-être. « Tout ce qui est trop établi d’avance m’angoisse. Moi, ça me va parfaitement bien d’avoir des boulots qui me maintiennent dans une certaine insécurité. »

« J’ai aussi un rapport à l’argent qui est vraiment inhabituel. Je suis un mystère de l’économie ! C’est une joke dans mon cercle d’amis. Je dépense beaucoup, disons que je fais circuler l’énergie, mais chaque fois que j’ai été sur le point de manquer d’argent, il y a eu un chèque qui est rentré pour une rediffusion quelconque ou une commande de bijoux. Je connais des gens qui gagnent 150 000 $ par année et qui sont beaucoup plus stressés par l’argent que moi. »

Quelques créations d’Alexandre Bergeron

Preuve (ou clé ?) d’un certain bonheur — c’est lui qui l’affirme —, Alexandre passe très peu de temps à consulter les médias sociaux, voire les médias tout court. Il ne lit plus les nouvelles le matin, utilise Instagram uniquement pour montrer ses plus récentes créations. Certes, il lui arrive, au moment d’une publication, d’être aspiré par un compte particulièrement invitant. « Je regarde ça et je me dis : “Oh mon Dieu, what a life !” en voyant les sorties, les voyages, la vie de rêve de certains instagrameurs. Mais moi aussi, je fais PLEIN de choses trippantes, dans la vie. Sauf que je ne suis pas toujours en train de me prendre en photo quand je vais me baigner au lac, cueillir des champignons, quand je bois un super bon vin… Au lieu, je le VIS ! Pour moi. Pas pour les autres. »

« Je ne trouve pas que ça révèle quelque chose de beau, chez l’humain, cette manie qu’on a de se prendre en photo constamment. Ce vide qui demande à être rempli, cette quête d’amour et de validation, je ne comprends pas du tout. J’aime les gens qui se suffisent à eux-mêmes, qui sont là tout entiers devant moi, qui ne sentent pas le besoin de se bâtir une image, une vie dans les médias sociaux. »

Alexandre est convaincu que le bonheur attire le bonheur. « Je ne veux pas tomber dans la pensée magique. Et je n’ai pas lu le célèbre livre The Secret, mais je pense que le bonheur et l’énergie positive peuvent et doivent être cultivés. » Ça, Alexandre n’en démord pas.

« Je pense que je suis né avec un petit coussin autour du cœur, que j’ai épaissi au fil du temps et qui me permet de rebondir facilement quand ça ne va pas. Je peux tomber sans trop me faire mal. Ça se travaille, ça aussi. »

Pour voir les créations d’Alexandre Bergeron, on peut consulter son compte Instagram ou se rendre chez Édition de robes (5334, boul. Saint-Laurent), où le joaillier tiendra boutique pendant environ un mois, à partir du 9 octobre. Il joue également dans la pièce Laurel et Hardy, en tournée cet automne.

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Questionnaire bonheur

Une définition du bonheur

« Je dirais que le bonheur est un mélange d’allégresse, de plénitude, de tranquillité et d’excitation. Mais il est plutôt insaisissable. Aussitôt qu’on essaie de le décrire ou qu’on a conscience de le vivre, d’être dans le bonheur, c’est comme si on en sortait un peu et qu’on se plaçait juste à côté. »

Une musique qui lui fait du bien

« J’ai toujours une chanson qui me fait du bien, qui me fait tripper et dont j’abuse pendant un moment. Mais elle change toutes les deux semaines ! Je dirais que Nina Simone est l’artiste qui habite le plus ma vie. Même sa mélancolie me fait du bien. »

Un acte concret qu’il fait quand ça ne va pas

« Je m’entoure des gens que j’aime et qui me rendent heureux. Manger et boire du bon vin, écouter de la musique, être dans un musée, faire du sport, voyager ! Tout ça me rend heureux. »