Depuis l’été 2017, environ 160 élèves ont suivi des cours d’innu au Centre de langues de l’Université de Montréal. Qu’est-ce qui explique cet intérêt grandissant pour cette langue autochtone ? Nous avons visité la classe d’Yvette Mollen pour en savoir plus.
Voilà près de trois ans que le Centre de langues de la faculté des arts et sciences de l’Université de Montréal remplit ses classes d’innu, seule langue autochtone parmi les 13 langues offertes à l’université.
Depuis ses débuts, le cours d’introduction attire environ 32 élèves par année, nous confirme Gabriella Lodi, responsable pédagogique du département. Celle qui forme tous ces aficionados de la langue autochtone s’appelle Yvette Mollen, elle-même Innue d’Ekuanitshit (à Mingan), sur la Côte-Nord.
Mme Mollen, qui a fait son baccalauréat en études françaises, a finalement repris le flambeau de sa mère, qui enseignait l’innu dans sa communauté. « Je voulais enseigner le français, mais après mes études, on m’a offert de donner un cours d’innu. J’ai accepté et puis je n’ai jamais arrêté… »
« Tout est difficile »
Au tournant des années 2000, à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), elle a donné des cours aux membres de la communauté innue. Des gens qui avaient une bonne compréhension de la langue orale, mais qui ne savaient ni la lire ni l’écrire. « Évidemment, c’est un peu plus facile pour eux, mais ça reste une langue difficile. »
Après avoir dirigé pendant 13 ans l’Institut Tshakapesh, toujours auprès des communautés innues, elle s’est fait offrir la charge de cours actuelle. Mais donner des cours à des non-locuteurs n’est pas chose aisée, nous dit Yvette Mollen, qui maîtrise les deux principaux dialectes de l’innu.
Tout est difficile. C’est une langue qui ne ressemble à aucune autre. J’assemble les morceaux comme un casse-tête. On apprend les noms, mais ce sont les verbes les plus importants, ils représentent 80 % de l’innu.
Yvette Mollen
« Il y a des paragraphes entiers où on ne retrouve que des verbes et parfois leur emploi est complexe. Par exemple, le verbe “entendre” va se dire différemment si on a été témoin du son entendu ou non. »
On comprend l’intérêt des autochtones de parfaire l’apprentissage de leur langue pour la transmettre à leurs enfants, mais que vont chercher les non-autochtones, ou ceux qu’Yvette appelle les allochtones, dans ces cours ?
Les cinq élèves que nous avons rencontrés cette semaine suivent leur troisième cours d’innu (sur quatre). Ils nous ont tous parlé de l’importance pour eux d’établir un dialogue avec les communautés autochtones. Il a été question de colonisation, de guérison, de réconciliation et d’inclusion. Une fois la langue apprise, le défi demeure : comment entretenir cette langue apprise dans une ville où à peine quatre ou cinq personnes la parlent couramment ?
« Il faut aller à la rencontre des communautés pour cela, croit Yvette Mollen, mais elles sont loin de Montréal et ce n’est pas tout le monde qui peut partir dans les différentes régions du Québec où elles se trouvent. Mais il faut trouver le moyen de se mêler à ces communautés, peut-être de partir deux ou trois semaines et vivre chez des gens qui parlent la langue, ce serait la meilleure façon d’apprendre. »