Mystérieux temples mayas, cités romaines enfouies ou trésors grandioses de l’Égypte ancienne : les civilisations disparues fascinent. Les musées les plus réputés proposent tous d’admirer des artéfacts méticuleusement conservés. Films cultes, bandes dessinées et opéras s’inspirent de ces civilisations défuntes. Gros plan sur cette obsession.

Dès le 14 septembre, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) accueillera les momies égyptiennes du British Museum. L’exposition Momies égyptiennes : passé retrouvé, mystères dévoilés promet d’être très courue, car les momies sont partout dans la culture populaire : dans les bandes dessinées, avec Tintin ou Blake et Mortimer notamment, ou dans les superproductions hollywoodiennes, comme les films d’Indiana Jones, le classique Cleopatra avec Elizabeth Taylor et la franchise The Mummy.

C’est une fixation très répandue, confirme Laura Vigo, conservatrice au MBAM. « L’aspect humain est très important, dit-elle. Le grand public connecte avec ces peuples, même s’ils vivaient très différemment. On sent un engouement plus fort [pour ces artéfacts] que pour des œuvres d’art, par exemple. »

À la recherche d’une grandeur perdue

« Les pharaons et leur entourage sont les premières grandes monarchies connues », explique Jean Revez, égyptologue et professeur d’histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Le pharaon était tout-puissant dans l’Égypte ancienne. Luxe, intrigues politiques, faste et richesses : tous les ingrédients sont réunis pour créer une « recette gagnante ». Le même schéma narratif existe aussi pour les civilisations précolombiennes (les Mayas ou les Incas, notamment), affirme le chercheur.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Ornée d’amulettes et enveloppée de lin, la momie, qui appartient au British Museum de Londres depuis 1880, est celle d’une femme mariée morte alors qu’elle avait entre 35 et 49 ans. Son corps a été préservé grâce à des techniques d’embaumement très sophistiquées au moment de sa mort.

L’image glamour des anciennes civilisations a grandement contribué à fasciner le public. « C’est l’élite qui a laissé le plus de traces de ces civilisations défuntes », rappelle Cédric Gobeil, archéologue et égyptologue. Les sarcophages décorés d’ornements précieux et les trésors enfouis dans des tombeaux luxueux n’étaient pas l’affaire du peuple ordinaire. Une réalité qui alimente l’aspect idéalisé d’une grandeur perdue.

Hollywood s’est emparé de ces images fortes et faciles à romancer, ce qui a maintenu l’intérêt. L’aspect ésotérique, lié aux hiéroglyphes (qu’on a mis du temps à déchiffrer) et à la religion polythéiste, a beaucoup inspiré les artistes. 

On pensait autrefois que ces peuples possédaient un pouvoir magique.

Cédric Gobeil, archéologue et égyptologue

Dans le cas de l’Égypte, on parle d’un art raffiné, de trésors fabuleux et de reines d’une beauté intemporelle, comme Néfertiti. « Tous ces éléments font de l’Égypte une civilisation excessivement glamour qui inspire et passionne », dit aussi Valérie Angenot, égyptologue et spécialiste de l’art de l’ancienne Égypte.

Se laisser porter par les légendes du calendrier maya ou assouvir sa curiosité pour les rituels des pharaons permet de se rapprocher d’une sorte de grandeur perdue. Qu’il s’agisse d’un égyptologue chevronné ou d’un jeune adolescent intrigué, presque tous sont impressionnés par une civilisation qui possédait une écriture élaborée, des connaissances scientifiques poussées et qui a malgré tout disparu. « C’est cet attrait du grandiose qui rend ces cultures encore populaires aujourd’hui », renchérit Cédric Gobeil.

Le mystère qui persiste

Les civilisations anciennes nous ont été transmises par bribes depuis des siècles. Le chercheur lui-même se heurte à une incertitude dans l’interprétation des artéfacts. « Cette zone d’ombre permet d’échafauder des hypothèses et de laisser aller notre imagination », explique M. Revez.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La momie de Nestaoudjat avait été placée dans ce cercueil intérieur décoré, notamment avec des hiéroglyphes indiquant son nom qui signifie « celle qui appartient à l’œil oudjat ». Aussi appelé l’œil d’Horus, l’œil oudjat était un symbole de protection et de guérison.

Leur religion et leurs pratiques ont complètement disparu. On les regarde un peu comme s’ils étaient des peuples extraterrestres. Notre fascination commune pour les momies égyptiennes et les trésors incas tiendrait donc en partie à notre attrait constant pour le mystérieux et l’inconnu.

Les découvertes archéologiques ponctuelles nourrissent l’intrigue autour de ces civilisations impressionnantes. « Une simple pierre déterrée mène à la découverte de villes entières ensevelies sous nos pieds. Ça vient chercher les gens », explique l’égyptologue Cédric Gobeil. Encore aujourd’hui, il reste beaucoup de choses à découvrir pour comprendre ces civilisations. En acquérant de nouvelles données presque quotidiennement, poursuit le chercheur, on peut compléter ce qu’on sait déjà, réinterpréter… et maintenir l’engouement.

C’est cet hermétisme, ces secrets qu’on ne peut complètement percer, ces découvertes qui nous mettent en contact avec ces gens du passé qui gardent l’intérêt en vie.

Cédric Gobeil

Ces civilisations sont éteintes, mais elles vivent à travers nous, estime pour sa part Valérie Angenot.

Des prouesses épatantes

Certaines civilisations anciennes sont associées à de grandes prouesses techniques, malgré les moyens rudimentaires de l’époque. « Les traces sont encore bien visibles. Des monuments comme les pyramides égyptiennes ou le Machu Picchu n’ont jamais été surpassés », dit Jean Revez.

« Des millénaires plus tard, l’Égypte ancienne, immuable, semble toujours trôner, par sa présence visible et ses éléments distinctifs », croit-il. Ces édifices immuables, selon lui, apportent une longévité qui nous réconforte par rapport au rythme effréné caractéristique de notre époque.

L’Égypte découverte

L’obsession pour l’ancienne Égypte n’est pas neuve. Voici quelques événements-clés qui ont nourri l’« égyptomanie ».

1798-1801

Expédition en Égypte de Napoléon Bonaparte

1822

Jean-François Champollion déchiffre les hiéroglyphes grâce à la pierre de Rosette

1922

Découverte du tombeau de Toutankhamon.

1967

Exposition du sarcophage de Toutankhamon au Petit Palais, à Paris. Environ 12 000 personnes par jour l’ont visité, pour un total de 1 250 000 entrées pour la durée complète de l’exposition, un record à l’époque.