Vous êtes-vous déjà demandé à quoi vous ressembleriez dans quelques décennies ? Eh bien, vous n’êtes pas le seul ! FaceApp, qui permet de prendre un coup de vieux sur nos photos, trône au sommet des applications les plus téléchargées dans l’App Store et sur Google Play. Ce qui n’est pas sans susciter quelques inquiétudes sur l’utilisation de nos données.

De Cardi B à Jared Leto en passant par les Jonas Brothers, les plus grandes vedettes ont relevé le défi, acceptant de prendre quelques rides et cheveux blancs numériques. Nos célébrités québécoises ne sont pas en reste. Benoît Gagnon, Mathieu Cyr, Jonathan Roberge ou encore Eve Côté n’ont pas hésité à faire ce voyage dans le temps. Sans compter de nombreux membres de votre entourage...

Les éclats de rire laissent cependant vite place au malaise lorsqu’on se penche sur les modalités d’utilisation de FaceApp. Le fait que les développeurs de l’application sont établis en Russie laisse place aux plus grands fantasmes sur l’utilisation faite de nos données.

CNN rapporte même que le Comité national démocrate aux États-Unis a lancé une alerte à son équipe pour la campagne de 2020, leur demandant de ne pas utiliser l’application.

En partageant nos photos avec l’application, on accepte d’« accorder à FaceApp une licence illimitée, perpétuelle, irrévocable, non exclusive, sans redevance, mondiale, libre et transférable pour utiliser, reproduire, modifier, adapter, publier, traduire, créer des œuvres dérivées, les distribuer, les partager publiquement ». Une liste de modalités qui laisse une grande latitude aux développeurs pour utiliser nos données et notre image.

« Faire preuve de retenue »

Ce type de clause est assez courant, selon Vincent Gautrais, professeur de droit des technologies de l’information à l’Université de Montréal. « Dans les licences de Google, vous avez déjà accordé une licence non exclusive des fichiers et documents que vous avez générés avec leurs services comme Google Doc ou Google Drive », rappelle-t-il.

Mais le débat sur les contrats relatifs à la vie privée et au droit d’auteur mérite d’être soulevé, selon lui, car c’est par ce moyen que « les pires abus peuvent être faits ». Il pense qu’« il faudrait s’interroger si c’est valide, si ce n’est pas abusif et si la personne a vraiment pris connaissance du contrat ».

Or les contrats sont loin d’être transparents. 

[Ces clauses ont] très souvent un degré de complexité qui fait que c’est totalement illusoire de croire que le commun des mortels est capable de [les] comprendre et a envie de [les] lire.

Vincent Gautrais

De plus, si l’utilisateur trouve le contrat problématique, son seul choix est de refuser d’utiliser l’application.

Pour se protéger des risques, Vincent Gautrais préconise plutôt la méfiance dans le choix de ce que l’on partage sur internet. « Je pense qu’il faut faire preuve d’une certaine retenue dans la gestion de son image numérique, dit-il. De telles applications laissent énormément de traces et il faut évaluer les dangers potentiels qui peuvent être associés à de tels outils. »

Lui n’hésite pas à utiliser des stratégies d’« autodéfense ». « Ça peut être intéressant, je pense, de donner de fausses pistes. De donner de faux noms. Moi, sur Facebook, j’ai 105 ans et j’ai de la publicité de marchettes », dit-il, amusé.