La Fête nationale du Québec, c’est 15 000 bénévoles qui s’impliquent partout dans la province. Rencontre avec deux Montréalais dévoués, qui ont la Saint-Jean-Baptiste aussi festive qu’inclusive.

Felicidades Joseph

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Felicidades Joseph est à la tête de l’Association haïtiano-canado-québécoise de promotion culturelle et artistique et de l’Association haïtiano-canado-québécoise d’aide aux démunis.

« Un drapeau qui nous est fier, un drapeau qui nous unit. Ensemble, proclamons l’histoire de notre drapeau. Vive le drapeau ! Vive le Québec ! »

L’entrevue vient à peine de commencer que Felicidades Joseph nous cite avec passion le discours qu’elle a livré, l’an dernier, au grand spectacle de la Saint-Jean, à Montréal. « Devant 90 000 personnes », précise-t-elle fièrement.

Il n’est pas étonnant que la femme de 92 ans ait été choisie pour prononcer l’hommage au drapeau : voilà 37 ans que l’une des associations qu’elle a fondées organise une fête de la Saint-Jean, le 24, dans le quartier Saint-Léonard. Mme Joseph est à la tête de l’Association haïtiano-canado-québécoise de promotion culturelle et artistique et de l’Association haïtiano-canado-québécoise d’aide aux démunis.

La Saint-Jean-Baptiste est une célébration religieuse importante en Haïti, explique Felicidades Joseph, qui la fêtait assidûment dans son enfance, aux Gonaïves.

En 1982, alors qu’elle est au Québec depuis 11 ans, Felicidades Joseph organise une petite fête locale pour souligner l’événement. Cela fait cinq ans déjà que le gouvernement du Parti québécois a fait de la Saint-Jean la fête nationale du Québec, mais Felicidades ne le sait pas encore.

« Chez nous, en Haïti, on est un peuple très fêtard. Je ne savais pas si les Québécois étaient aussi fêtards que nous autres. Quand j’ai su que les Québécois fêtaient la Saint-Jean comme nous autres, je suis rentrée dans le bain ! », dit-elle.

À ses yeux, la Saint-Jean est d’abord une fête religieuse — l’occasion de se remémorer l’exécution de Jean le Baptiste. Mais c’est aussi, pour elle, la grande fête des Québécois et du Québec, qui l’a accueillie en 1971.

« Le Québec, c’est quelque chose de grand, de sublime pour moi, résume l’infirmière auxiliaire à la retraite. Parce que j’avais été très bien reçue, le 25 mars 1971. J’ai eu des petites divergences aussi… mais la vie est faite ainsi ! », dit-elle le sourire aux lèvres.

Sa fête, qui réunit environ 500 personnes, attire des gens de toutes origines. Haïtienne, bien sûr, mais aussi magrébine, africaine… On y distribue des drapeaux du Québec, des petits pains de la Saint-Jean, et, à 16 h 30, c’est l’heure du spectacle, qui sera offert cette année par un groupe haïtien.

« L’an dernier, il y avait de la pluie. Mais cette année, on m’a dit qu’il y allait avoir le soleil. Nous allons danser ! »

Roger Trépanier

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Roger Trépanier est fier de la Saint-Jean-Baptiste à Montréal-Nord, qui compte désormais sur un budget considérable de 16 000 $.

À l’époque du maire Yves Ryan, qui a régné près de 40 ans sur Montréal-Nord, la Saint-Jean, c’était important. Le 24 juin, on se réunissait près de l’hôtel de ville, on écoutait les discours des élus, on buvait du vin et on faisait de la danse en ligne.

Pour Roger Trépanier, qui vit à Montréal-Nord depuis 50 ans, c’était un rendez-vous annuel.

Sauf que le maire Ryan est parti en 2001… Le spectacle du 23 est resté, mais la tradition rassembleuse du 24 a fini par se perdre.

Roger Trépanier, négociateur syndical à la retraite, avait le temps de reprendre le flambeau, lui qui travaillait auparavant 50 heures par semaine. Le temps, vraiment ? Disons qu’entre ses nombreuses participations à diverses associations citoyennes et au Bloc québécois, Roger Trépanier trouve le temps d’être l’organisateur principal de cette fête de quartier depuis maintenant 10 ans.

Quand nous l’avons rencontré, la semaine dernière, le septuagénaire fignolait les derniers détails de la fête, qui aura lieu au parc Aimé-Léonard. Il venait d’autoriser l’achat d’une machine à gonfler les ballons (pour fabriquer la haie d’honneur) et la location d’un jeu d’échecs géant, encore plus gros que celui de l’an passé, souligne-t-il.

Ça se lit sur son visage : Roger Trépanier est fier de cette fête, qui compte désormais sur un budget considérable de 16 000 $. Il nous tend le prospectus : stands culturels, jeux gonflables, musique et danse traditionnelles, tirages de vélo, peinture en direct, discours des élus fédéral, provincial et municipal…

Il voulait sa fête à l’image de celle du maire Ryan : rassembleuse. Et un événement rassembleur, ça inclut évidemment les communautés ethniques, dont les communautés haïtienne et maghrébine, très présentes à Montréal-Nord. En 2013, sa société s’est associée à quatre autres groupes culturels pour organiser la fête, dont le Centre communautaire multi-ethnique de Montréal-Nord.

« On fait beaucoup d’efforts pour les inviter, dit Roger Trépanier. Et quand ils viennent, on est satisfaits. On se dit que ça a réussi à consolider la communauté qui a été fragilisée à l’époque des émeutes » de Montréal-Nord, en 2008.

Environ 30 % des quelque 3000 personnes qui viennent à la fête sont issus de minorités, évalue M. Trépanier. Parmi les bénévoles de l’an dernier, on comptait même une dizaine de demandeurs d’asile, note M. Trépanier, qui aimerait voir davantage d’Haïtiens à la fête — plusieurs préfèrent la souligner au sein de leur église. « Peut-être que ça va venir », dit-il.