Bouleversements climatiques et lutte féministe, même combat ? C’est ainsi que se présente l’écoféminisme, une combinaison des préoccupations environnementales et féministes. La présence médiatique de figures comme la jeune militante Greta Thunberg fait ressurgir les dialogues sur ce mouvement né dans les années 70. Explications.

L’écoféminisme, c’est quoi ?

« Si l’environnement se dégrade, la condition féminine se dégrade aussi », explique Elsa Beaulieu Bastien, chercheuse à l’Université Concordia qui s’intéresse aux rapports entre féminisme et lutte environnementale. Au cœur des bouleversements environnementaux, il y a le capitalisme, qui participe à la destruction de la nature et à l’épuisement de ses ressources, soulignent les écoféministes. Ce système va de pair avec, notamment, le patriarcat, avancent-elles. « Il y a donc un lien à faire entre l’exploitation des femmes et celle de la nature », estime Lydie Olga Ntap, écoféministe et fondatrice du Musée de la Femme, situé à Longueuil.

Remise en question du patriarcat

L’écoféminisme s’appuie d’ailleurs sur une remise en question du patriarcat dans les rapports d’affaires, explique Mme Ntap. 

Historiquement, le patriarcat est au centre des décisions qui ont contribué à détruire l’environnement.

Lydie Olga Ntap, écoféministe et fondatrice du Musée de la Femme

« Pensez à la recrudescence de la surconsommation, à la nourriture précuisinée et aux emballages de plastique : ce ne sont pas des femmes qui étaient à la tête des grosses compagnies à l’origine de ces idées », poursuit-elle. Il existe des femmes qui ne sont ni féministes ni écolos, note Mme Beaulieu Bastien. Tout comme il y a des hommes qui se préoccupent de l’environnement et défendent les droits des femmes. L’écoféminisme n’est pas une grille d’analyse qui exclut les hommes en les montrant du doigt, défend-elle. « L’idée, c’est de comprendre que les inégalités sociales entre les hommes et les femmes existent et font partie de tout le système capitaliste et colonialiste relié aux troubles environnementaux. »

Preuves à l’appui

Le lien entre féminisme et pensée écolo s’appuie sur de multiples études et rapports scientifiques. L’ONU rappelle que les femmes, en raison des nombreuses inégalités dont elles sont victimes, sont 14 fois plus à risque de mourir lors de catastrophes naturelles. Selon des chiffres publiés par le Pew Research Center en 2015, au Canada, 77 % des hommes considéraient les changements climatiques comme un « problème sérieux », contre 90 % des femmes. Toujours selon le même rapport, 81 % des Canadiennes estimaient que des changements majeurs aux habitudes de vie étaient nécessaires pour contrer les bouleversements climatiques, contre 66 % chez les hommes. Dans 7 des 11 pays riches et industrialisés questionnés, on observait des résultats similaires. Selon une étude de l’Université du Colorado à Boulder, plus les femmes sont incluses dans les processus décisionnels, plus les décisions en lien avec la protection de l’environnement sont efficaces et mises de l’avant.

Zéro déchet, multiples corvées

Couches lavables, savon fait maison et végé-pâté : qui dit foyer vert et zéro déchet, dit augmentation des tâches ménagères. La division sexuelle du travail et les tâches assignées traditionnellement aux femmes feraient en sorte qu’elles sont plus attentives aux diverses initiatives visant à rendre leur foyer plus écolo. « La division sexuelle des tâches domestiques peut d’emblée ajouter un fardeau, si nous ne sommes pas vigilants », dit Maude Prud’homme, déléguée à la transition énergétique au Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE). Entamer les démarches d’un foyer zéro déchet peut aussi être l’occasion de revisiter la division du travail, dit-elle.

Femmes au premier plan

Le bien-être des gens, les soins aux enfants et l’organisation incombent souvent aux femmes, à la fois dans la sphère professionnelle, communautaire ou familiale. « Alors forcément, quand il y a une crise qui s’annonce, qui panique ? Ce sont elles », affirme Elsa Beaulieu Bastien. L’implication des femmes en environnement n’est donc pas surprenante, mais comprend certains défis. « Quand on est une femme qui se met au premier plan des luttes, on est souvent dénigrée par toutes sortes d’attaques sexistes ciblées stratégiquement contre les femmes et la lutte environnementale », estime Elsa Beaulieu Bastien. Il y a donc de bonnes chances qu’une conscientisation féministe se produise. C’est un constat : partout dans le monde, les femmes occupent l’espace médiatique avec leurs préoccupations environnementales. « C’est parti pour ne pas s’arrêter. Il y a eu un son de cloche », dit Lydie Olga Ntap.