Le deuxième bloc de conférences de C2 Montréal, intitulé « Des réponses créatives aux changements climatiques », traînait un peu la patte, mercredi matin. Puis l’allègre Isabella Grandic est arrivée, galvanisant la salle Cabaret-Québec avec son énergie, son assurance et sa volonté de changer le monde. Rencontre avec un jeune phénomène.

L’adolescente de 15 ans n’est pas la seule de sa génération à vouloir changer le monde. À C2 Montréal, sept leaders de moins de 17 ans présentent leurs projets depuis mercredi. Mais on peut dire que la jeune Grandic a donné un grand coup de fouet à l’auditoire un peu assoupi qui, dès les premières secondes de la courte présentation, était tout ouïe pour les propos de la future « Elon Musk au féminin ». Rien de moins.

La jeune dynamo s’intéresse actuellement aux solutions de rechange à la production animale industrielle, notamment l’agriculture cellulaire. Un certain Bill Gates et un Sir Richard Branson ont déjà investi dans la « viande de labo », pour vous donner une idée de l’ampleur du chantier.

Isabella étudie donc les éléments génétiques qui composent les aliments et développe de nouveaux processus pour produire de la viande, du lait et des œufs en laboratoire. Elle a par exemple élaboré un sérum de croissance de la viande en utilisant l’intelligence artificielle. Son objectif est de rendre ces produits animaliers de synthèse accessibles à tous d’ici 2025.

Et les fermes, les abattoirs, les boucheries ? « Lorsqu’on regarde l’évolution des nouvelles technologies et l’intelligence artificielle, on constate qu’on est en train de créer un monde où l’être humain deviendra de plus en plus superflu. L’intelligence artificielle fera le travail pour nous », lance la jeune fille, bien convaincue.

« L’agriculture cellulaire prendra la relève de l’agriculture traditionnelle, poursuit-elle, visiblement peu consciente de l’aspect controversé de ses propos. À ce moment-là, l’être humain pourra se développer autrement et s’occuper d’autres enjeux. »

Isabella Grandic développe ces grandes idées dans le cadre de la Knowledge Society (TKS), à Toronto. Ce programme éducatif créé il y a environ deux ans par les frères Navid et Nadeem Nathoo vise à former les prochaines générations de citoyens engagés. Ceux qui seront outillés pour résoudre les plus grands enjeux mondiaux. Rien de moins !

Le déclic

Pour l’adolescente, c’est un voyage en métro qui a tout changé. « Je revenais du centre-ville de Toronto. Je me sentais triste et un peu angoissée, se rappelle Isabella. Puis deux garçons sont montés dans le wagon et se sont mis à parler d’un programme novateur qui changeait leur vie. TKS, TKS, répétaient-ils. Je suis descendue du métro et j’ai tout de suite googlé TKS. J’ai posé ma candidature, j’ai passé l’entrevue, j’ai écrit un article, puis j’ai été acceptée ! »

Sept mois plus tard, la demoiselle verbomotrice n’en revient toujours pas d’avoir été acceptée et de vivre cette aventure. Elle considère que rien ne la prédisposait plus qu’une autre à faire partie de la Knowledge Society.

« Je n’avais aucune qualification, aucune ambition, aucune notion de nouvelles technologies. Mais une fois le programme commencé, ça a libéré une partie de moi que je ne connaissais pas. J’ai eu plein de déclics depuis ! »

L’élève de 10e année (l’équivalent de la quatrième secondaire), fille de réfugiés de l’ex-Yougoslavie, continue d’aller à l’école, dans un établissement public d’Etobicoke, banlieue ouest de Toronto. Elle dénonce le manque de stimulation et d’ouverture du système éducatif « traditionnel ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Isabella Grandic est une adolescente de 15 ans qui s’intéresse à l’agriculture cellulaire. Elle était à C2 Montréal mercredi.

« À l’école, ça m’est arrivé tellement souvent de poser des questions éthiques ou philosophiques à mes profs, pour me faire répondre que ça ne faisait pas partie du programme.

“Pourquoi on ne nous aide pas à acquérir des compétences de base vraiment utiles dans la ‘vraie vie’, comme l’art de la conversation, le développement de la confiance en soi, la manière de parler devant un public ? Pourquoi on ne nous encourage pas à voir grand ?”

“Une perte de temps”

Vous l’aurez peut-être deviné : Isabella passe très peu de temps sur Instagram et Snapchat. “J’utilise LinkedIn pour améliorer mon réseau. Et Twitter, parce que c’est là que beaucoup de gens intelligents déversent leur cerveau. J’ai le système de messagerie Slack, pour communiquer avec ma communauté de TKS.

‘Je suis abonnée à Instagram et à Snapchat, mais je les utilise très peu parce que c’est une perte de temps. Instagram, pour moi, c’est la nouvelle cigarette. C’est une drogue. On va sur Instagram et on se sent comme de la m… après. C’est comme la cigarette. On sait que ça nous fait du mal, mais on continue quand même. On est accros !’

Tandis que la majorité des adolescents prolongent leurs nuits de sommeil, physiologie oblige, Isabella s’impose une routine matinale qu’on attribuerait davantage à une leader mondiale qu’à une fille de 15 ans.

‘Je me lève à 5 h, je m’entraîne pendant 30 minutes, je médite pendant 20 minutes, puis j’écris dans mon journal. C’est du temps pour moi et, tous les matins, je me réveille avec le sentiment d’être une des personnes les plus chanceuses du monde.’

Ah ! Et non, Isabella n’est pas végétalienne ni même végétarienne. Elle aime la viande. Mais elle aime encore plus la vie sur terre.

http://www.isabellagrandic.com/