Les nuages sont l'un des plus beaux et des plus fascinants spectacles que nous offre la nature. Prendre le temps de les observer est une activité beaucoup moins anodine qu'elle ne le semble. Elle pourrait peut-être même changer votre vie...

Un clown géant qui jongle avec des fleurs, un dragon qui crache du feu... L'enfant peut passer de longs moments à observer le ciel pour y déceler les formes les plus originales. Avec le temps, on cesse toutefois d'y voir une source de plaisir et de jeu. Les grands auraient tout intérêt à s'inspirer des petits, croient certains.

« Avoir un nuage au-dessus de la tête », « pelleter des nuages », « entrevoir un avenir chargé de nuages », « voir passer un nuage dans les yeux de quelqu'un » : autant d'expressions péjoratives associées à ces formes mouvantes qui surplombent nos univers, alors qu'un ciel bleu - ou sans nuages - est symbole de bonheur paisible.

Ce n'est qu'une question de perspective, croit l'auteur britannique Gavin Pretor-Pinney, cofondateur de la Société d'appréciation des nuages (Cloud Association Society - CAS) qui regroupe des milliers de membres dans le monde. Tous ont en commun cette volonté de lever les yeux au ciel pour en admirer les beautés. « Adulte, les nuages deviennent un paysage si familier que nous ne les voyons plus. Les seuls moments où ils captent notre attention sont lorsqu'ils font entrave au soleil », fait-il remarquer.

Ils représentent par ailleurs une autre menace : celle que le ciel nous tombe sur la tête. La plupart ne sont pourtant pas annonciateurs de pluie ou d'orage, ce qui ne serait d'ailleurs pas négatif en soi, étant donné que l'eau est nécessaire à la nature. « Les nuages sont une belle métaphore pour la vie, estime celui qui est aussi l'auteur du livre Le guide des chasseurs de nuages. Les percevoir de façon négative n'est probablement pas la meilleure façon de vivre heureux. »

Un spectacle à ciel ouvert

Ces créations atmosphériques sont l'un des plus beaux spectacles qu'offre la nature et le plus démocratique d'entre tous : tout le monde a un ciel à observer, où que les gens soient et peu importe leurs moyens. Les nuages ont aussi une dimension magique, et c'est peut-être pourquoi ils inspirent les poètes et les artistes. Les enfants aussi. Imprévisibles, en constante mouvance, ils n'obéissent qu'aux lois de la physique.

Les nuages sont en effet composés de vapeur d'eau condensée sous forme liquide ou solide. Elle a le pouvoir unique de se transformer en gaz et de disparaître ou d'apparaître ainsi au gré des variations de température. « Un petit cumulus de beau temps a une durée de vie de 45 minutes à 1 heure », explique le météorologue Réjean Ouimet.

« Par évaporation et condensation, une nouvelle structure se crée à tout instant et se déplace simultanément au gré du vent. Car même s'il ne vente pas au sol, là où se trouve le cumulus moyen, c'est-à-dire à environ 2 km au-dessus de nos têtes, il y a souvent des vents de 30 à 40 km/h », indique le spécialiste.

Par conséquent, lorsqu'un nuage adopte une forme particulière dans le ciel, vous savez que ce moment est éphémère et qu'il ne se représentera jamais.

« Les nuages sont une représentation éthérée du temps qui passe et un rappel qu'il faut savoir saisir l'instant », explique Gavin Pretor-Pinney, cofondateur de la Société d'appréciation des nuages (Cloud Association Society - CAS)

Perdre son temps n'est pas du temps perdu

À une époque où tout va vite, succomber à la rêverie est plus pertinent que jamais, selon le fondateur de la CAS qui voit dans cette activité une forme de méditation. « Nous sommes entourés d'appareils sur lesquels nous sommes constamment branchés. Lorsqu'on observe les nuages, c'est une autre partie du cerveau qui s'active : le subconscient prend le dessus et le cerveau se met en mode "veille". »

Ces moments de décrochage sont nécessaires pour notre bien-être émotionnel et notre créativité, dit-il. Ils nous permettent de prendre du recul par rapport à nos soucis quotidiens. L'auteur à succès Carl Honoré, qui est l'un des principaux acteurs du mouvement « slow », est aussi de cet avis. Adopter la lenteur signifie être présent et prendre le temps de vivre chaque moment, décrit-il dans son livre Éloge de la lenteur.

« Les gens ont souvent peur que la vie leur échappe s'ils ralentissent. C'est complètement faux ! La vie est ce qui se produit ici et maintenant, et ce n'est qu'en ralentissant qu'on peut la vivre vraiment », raconte-t-il en entrevue. Ralentir permet de réduire son stress, de recharger le corps et l'esprit, ce qui est bénéfique pour la santé mentale et la pensée créative.

« Mettre la pédale douce procure une paix intérieure et un espace pour réfléchir à des questions plus profondes que celles qui émergent au quotidien : "qui suis-je ?", par exemple, ou "quel est mon rôle dans la vie ?". Ce qui donne une richesse et un sens à la vie », ajoute-t-il. Nous sommes, au bout du compte, plus efficaces, car moins sujets à l'erreur et plus en mesure de prendre des décisions éclairées.

Apprendre à chasser les nuages

« Il est parfois nécessaire de prévoir des moments de détente. L'idéal est toutefois de développer le réflexe de ralentir, quand vous en avez besoin », soutient Carl Honoré. Les nuages n'attendront pas votre case horaire idéale pour se pointer, précise Pretor-Pinney. C'est plutôt une question d'attitude : on doit être présent et attentif, car les nuages ne font que passer.

Trouver des formes dans les nuages ne vous permettra pas d'accomplir de grandes choses, bien sûr, mais c'est une façon de mettre la vie et ses soucis en perspective. Les nuages nous rappellent la constante, mais changeante, beauté du monde. Ils offrent de surcroît un parfait prétexte pour ne rien faire ! Une occasion à saisir durant la belle saison.

photo WIKIMEDIA COMMONS

L'altocumulus consiste en une série de petits nuages blancs et plutôt plats qui se déplacent par bande.

photo WIKIMEDIA COMMONS

Le cumulonimbus est en quelque sorte le « roi des nuages ».

Devenez chasseur de nuages

« Les nuages sont surreprésentés au Québec, c'est vrai, convient Réjean Ouimet, météorologue à MétéoMédia. Normalement, le soleil est présent 60 % du temps, alors que c'est plutôt 45-50 % cet été. Les gens ont une impression nette d'un été décevant, mais pour les amateurs de nuages, c'est parfait ! »

« J'aime l'altocumulus lenticularus qui ressemble à une soucoupe volante et qui se forme au sommet des montagnes. Le fluctus aussi, qui ressemble à une série de vagues ondulées et qui apparaît souvent sous d'autres nuages, souligne le fondateur de la Société d'appréciation des nuages (CAS), Gavin Pretor-Pinney. Je préfère généralement les nuages subtils, dont l'observation dépend de la vigilance de l'observateur. »

Chaque amateur a ses formations nuageuses préférées. Pour celui qui s'y intéresse, le ciel offre en effet quantité de divertissements éphémères, mais sans cesse renouvelables. Il y a trois étages de nuages qui situent leur hauteur dans le ciel, 10 principaux groupes - ou genres - (les cumulus, stratus ou stratocumulus en font partie), 14 espèces qui définissent leur structure interne et neuf variétés qui reflètent la disposition de leurs différents éléments.

À ceux-ci s'ajoutent une centaine de combinaisons possibles : on peut, par exemple, avoir affaire à un stratocumulus cumulogenitus (un cumulus qui a donné naissance à un stratocumulus). Et de nouveaux nuages continuent de s'ajouter au lot ! Autrement dit, c'est un univers à découvrir.

Pour décrire les choses plus simplement, contentons-nous de souligner qu'il existe deux grands types de nuages : ceux de type stratiforme, ou en couches, qui s'étirent dans le ciel de manière relativement régulière, et les cumuliformes, qui se divisent en monceaux comme des boules de ouate plus ou moins denses. Ces derniers sont souvent les plus intéressants à observer, précise Réjean Ouimet. Les stratus, quant à eux, requièrent un oeil aguerri pour en distinguer les subtiles découpes, souvent localisées dans leur partie inférieure.

« Allez dehors et observez le ciel. Vous y trouverez plein d'enseignements pour faire vos propres prédictions météorologiques », souligne Réjean Ouimet, météorologue à MétéoMédia

Un vieux dicton dit, par exemple, que lorsque le soleil est dans sa maison (autrement dit, entouré d'un halo), il y a risque de précipitations dans les 18 heures. « Bien sûr, il est plus simple d'ouvrir une application, mais c'est moins intéressant que d'apprendre à distinguer les nuages et ce qu'ils annoncent ! », conclut le spécialiste.

NOUVEAUX VENUS AU CIEL

Les nuages sont classés en fonction de leur aspect, de leur position et de leur forme, tels qu'ils sont vus du sol. Cette année, 11 nouveaux types de nuages ont été ajoutés à l'Atlas international des nuages, qui n'avait pas été revu depuis 1953 par l'Organisation météorologique mondiale. « Avec les médias sociaux, des images de formations nuageuses nouvellement observées circulent rapidement. L'observation des nuages s'est beaucoup développée », souligne Réjean Ouimet. Parmi ces nouveaux arrivants figure l'asperitas, proposé par la CAS et qui ressemble à une mer houleuse vue du dessous.