Le gaspillage des aliments commence dans les champs, où les légumes les plus laids ne seront pas cueillis parce que les consommateurs n'en veulent pas. Il se poursuit à la distribution et à la transformation. «Le fait que les gens cuisinent moins et achètent plus de plats préparés augmente aussi le gaspillage. Plus il y a de transformation, plus il y a de pertes», note Pascal Thériault, professeur au département d'agroéconomie de l'Université McGill.

«C'est un gaspillage systémique. Ça fait partie du système. Dans le prix d'un légume, le prix du 40% de perte est inclus. Ce qu'on gaspille à la maison, c'est minime comparé à tout ce qui se perd avant», estime Alexandre Lavoie, de l'organisme L'Être terre, qui fait de la récupération alimentaire. C'est ce qu'on appelle les «Freegan» ou les gratuivores dans une traduction libre: des gens qui préfèrent se nourrir essentiellement d'aliments trouvés dans les poubelles, mais encore en excellente condition. Parce qu'à Montréal, comme ailleurs, il y a des conteneurs pleins à craquer de nourriture comestible, surtout dans les cours des distributeurs alimentaires. Alexandre Lavoie y trouve des fruits et légumes frais. Parfois de la nourriture haut de gamme. Des végépatés, des yogourts et des tofus, victimes d'une mauvaise gestion.

«C'est une situation absurde, convient-il. Nous voulons des avocats, des fraises, des pamplemousses, des melons à l'année et nous les voulons parfaits.» Tant de variété et de perfection implique un plus grand inventaire. Ce qui allonge la chaîne, multiplie les intervenants et, inévitablement, les pertes.

«L'industrie s'est sensibilisée et l'amélioration des systèmes de gestion a beaucoup réduit les pertes», assure Sophie Perreault, directrice de l'Association québécoise de la distribution de fruits et légumes. Chez les producteurs aussi, la récupération est le mot d'ordre. Un producteur de pommes de terre peut vendre ses tubercules imparfaits pour la transformation alimentaire et utiliser ceux qui restent, malgré tout, pour nourrir ses animaux, dit-elle.

Reste qu'avec le bas prix des aliments, une partie se retrouve inévitablement à la poubelle, échappant même aux banques alimentaires qui en ont bien besoin.

Avec les produits frais, c'est aussi très difficile de travailler avec les banques alimentaires, explique Sophie Perreault. Il n'y a pas de date d'expiration sur un melon. Le grossiste va essayer de le vendre jusqu'à la dernière minute, même au rabais. Au moment où il est trop mûr, il est trop mûr pour tout le monde. Le temps de le refiler à un organisme qui ensuite le redistribuera à quelqu'un qui en a besoin, le melon sera déjà en purée. «Périssable, le mot le dit: ça périt. Les fruits et légumes sont des organismes vivants.»

Reste la piste de la transformation. Moisson Montréal veut commencer à faire un peu de cuisine sur place, avant de redistribuer les aliments, ce qui prolongerait leur vie et empêcherait qu'eux-mêmes ne doivent jeter la nourriture qui leur est offerte.

Part des aliments perdus:

30%: À la ferme

3% à 10%: Durant la transformation

6%: Au restaurant ou à l'épicerie

15%: À la maison

Source: Étude du professeur Timothy Jones, Université de l'Arizona, 2005