Surnommé le «cuisinier du siècle» par la presse gastronomique, Joël Robuchon, qui détient le record absolu de 24 étoiles Michelin dans le monde, avait été tenté par une semi-retraite en 1996 avant de revenir aux fourneaux et de se constituer un empire.

«J'ai envie d'une cuisine de vérité», confiait le chef, 63 ans, il y a quelques jours au Figaro, en annonçant la prochaine ouverture d'«un nouveau style de restaurants, plus populaires». Lui qui compte trois établissements triple étoilés dans son escarcelle (à Las Vegas, Tokyo et Macao) affirme s'ennuyer dans certains trois étoiles aux «prix ahurissants».

D'origine modeste -père maçon, mère au foyer--, cet homme invariablement vêtu de noir, aux yeux clairs et à la voix douce, ne se destinait pas à la cuisine. C'est au petit séminaire qu'il y prend goût, en aidant les religieuses à préparer les repas.

En 1960, il est commis au Relais de Poitiers, localité où il est né quinze ans auparavant. Puis c'est le «grand voyage» des Compagnons du Tour de France, le titre de Compagnon en 1966 et une devise qui va comme un gant à ce perfectionniste: «l'homme doit se réaliser par son travail». Il s'y emploie avec acharnement et accumule les distinctions, dont celle de Meilleur Ouvrier de France en 1976.

En 1981, Joël Robuchon ouvre le restaurant Jamin, à Paris. C'est le point de départ d'une ascension foudroyante: il obtient sa première étoile dès 1982 et décroche la récompense suprême, les trois étoiles, seulement deux ans plus tard.

Son credo: «la maîtrise de l'alliance des saveurs des meilleurs produits». «C'est vraiment ce qu'il y a de plus beau dans la cuisine», dit alors ce cuisinier exigeant, qui confesse son admiration pour des chefs comme Jean Delaveyne et Alain Chapel.

Après Jamin, c'est dans son «Restaurant Joël Robuchon», avenue Poincaré, que le chef livre sa célèbre purée de pommes de terre et autres plats emblématiques comme la gelée de caviar au chou ou le gratin de macaronis aux truffes, céleri et foie gras.

Mais deux ans plus tard, en 1996, coup de tonnerre: à 51 ans, il claque la porte de ce trois étoiles qualifié par la presse anglo-saxonne de «meilleur du monde». Ce père de deux enfants explique qu'il ne veut pas mourir d'une crise cardiaque due au stress, comme certains de ses prédécesseurs.

Ce franc-maçon revendiqué n'est pas pour autant inactif: il reste conseiller pour la marque Fleury-Michon, activité qu'il exerce depuis 1987, conseille le restaurant parisien Laurent, se lance dans une émission de télévision.

Familier du Japon depuis depuis 1976, Joël Robuchon y ouvre plusieurs établissements au fil des ans. Il explique au Figaro y avoir «été saisi par le virus de l'esthétique. Plus j'avance, plus je me dépouille».

Il faudra attendre 2003 pour qu'il retrouve le chemin des fourneaux en France, mais pas celui de la haute gastronomie. Son «Atelier de Joël Robuchon» n'a rien à voir avec le «trois étoiles» de l'avenue Poincaré: les clients, assis autour d'un grand comptoir, avec vue sur les produits et la cuisine, dégustent une cuisine «simple mais avec des produits exceptionnels».

«L'époque a changé, le consommateur recherche une cuisine qui soit moins sophistiquée, une adresse où l'on mange bien et où il y ait de l'ambiance», explique alors le chef.

Le succès est rapide, et le concept décliné ailleurs: à Londres, New York, Las Vegas, Tokyo, Hong Kong. Il règne aujourd'hui sur 16 établissements et la moitié de ses 24 étoiles sont des restaurants asiatiques.

Le club fermé des chefs multi-étoilés

Ils sont français, britannique ou américain et s'appellent Joël Robuchon, Alain Ducasse, Gordon Ramsay, Thomas Keller et Jean-Georges Vongerichten: tous appartiennent au club très fermé des chefs multi-étoilés.

Le chef français Joël Robuchon, 63 ans, surnommé «le cuisinier du siècle» par les anglosaxons, détient le record absolu d'étoiles Michelin avec 24, un record rendu possible, comme pour les autres chefs, par l'apparition récente de nouveaux guides Michelin en Asie et aux États-Unis notamment, où de nombreux chefs ont ouvert des adresses.

Ainsi Robuchon compte à lui seul 7 étoiles au Japon (tous à Tokyo), 6 en France et à Monaco, 5 aux États-Unis (New York et Las Vegas) et 5 à Hong Kong/Macao et enfin une en Grande-Bretagne.

Il compte dans son escarcelle trois établissements trois étoiles, pour 6 deux étoiles et 3 une étoile.

Son principal concurrent, le Français devenu Monégasque Alain Ducasse, 52 ans, en totalise 16. 11 étoiles sont situées en France et à Monaco (dont 2 trois étoiles). Trois sont américaines (2 à New York, 1 à Las Vegas). Enfin il en a une en Toscane et une autre à Tokyo.

Le Britannique Gordon Ramsay, 42 ans, affiche 12 étoiles au compteur dont 8 à Londres (1 trois étoiles, 1 deux étoiles et 3 une étoile). Il compte également 2 étoiles à New York, 1 à Las Vegas et 1 à Tokyo.

L'Américain Thomas Keller, 53 ans, totalise sept étoiles, toutes aux États-Unis, dont deux trois étoiles, le Per Se à New York et The French Laundry, à Yountville, dans la Napa Valley californienne.

Enfin le Français Jean Georges, 56 ans, qui est surtout fait carrière aux États-Unis, compte 5 étoiles, toutes new-yorkaises, dont un établissement trois étoiles.