Le temps des pommes. Intriguée par ces publicités de la Route des cidres en Montérégie, je décide d'aller goûter quelques spécimens de notre patrimoine oublié. Toute petite, j'avais, m'ont toujours dit mes parents à la blague, la descente facile avec un certain St-Antoine Abbé.

Ma promenade vers le pays de Rougemont - et autres Mont-Saint-Grégoire - m'a appris deux choses: a) longtemps négligée, la production peut être assez inégale entre deux cidreries voisines ; b) non seulement les vins de glace - nous le savions déjà - mais aussi certains cidres tranquilles et autres mousseux gagnent à être connus et reconnus pour enfin être servis à l'apéro ou garnir nos tables pendant le repas.

 

Direction: la Cidrerie du Village, une entreprise familiale où Thérèse Dubé m'attend avec ses petites bouteilles. Cette renégate, qui fabriquait du cidre interdit avec ses beauxparents dans les années 60, a passé le flambeau à son fils Francis, qui concocte des assemblages maison. «On payait l'amende, c'est tout «, se souvient Mme Dubé.

Tout en jasant, elle nous fait goûter ses produits, dont le sympathique Notre cidre tranquille, un semi-sec, à 8% d'alcool, agréable et fruité. Et puis, comme pour le vin, on agite son verre - ou plutôt son gobelet de plastique - pour faire exhaler les arômes. «La qualité a beaucoup monté, souligne-t-elle, en rappelant que les mauvaises stratégies commerciales des années 70 et 80 avaient ruiné la réputation du cidre québécois. On passe ensuite au plus corsé, pour finir avec le Coup de foudre, offert à la SAQ, une liqueur à 18% d'alcool. Il est bon et, étonnamment, s'apparente un peu au pineau ou au porto. «Mon frère qui est missionnaire en Afrique, quand il vient, il m'en prend toujours trois bouteilles.»

Le cidre part en campagne

Moins sucrée que le raisin, la pomme donne un produit moins alcoolisé que le vin. La matière première change, mais les techniques de fabrication sont les mêmes. «Il est peut-être encore plus difficile de faire du cidre», va jusqu'à

dire Robert Demoy, propriétaire de la Cidrerie du Minot, à Hemmingford. Arrivé d'Europe il y a une trentaine années pour faire du vin, il produit aujourd'hui de 150 000 à 200 000 bouteilles de cidre, dont le Crémant de pomme du Minot en mousseux et en rosé, vendus a la SAQ. Oenologue, d'origine bretonne, M. Demoy, a eu tout le loisir de comparer les cidres français et québécois. «En France, il y a une cinquantaine de variétés différentes de pommes à cidre. On ne peut pas faire autre chose avec. Tandis qu'ici, nos pommes sont plus équilibrées, plus polyvalentes.»

Il estime en outre que les cidres européens sont restés rustiques. «Ici, nous nous adaptons pour les vinifier plus en finesse. On s'aligne sur les stratégies vinicoles. Les producteurs européens viennent nous voir, ça les intrigue», constate M. Demoy. Il souligne qu'au Québec, d'un producteur à l'autre, «il y a des différences «. Entend-il, par là, des différences dans la qualité? Ce sera au consommateur d'en juger. Depuis l'an dernier, un nouveau projet de règlement

sur le cidre vise à assurer la reconnaissance de la qualité et de la conformité du produit. L'Association des cidriculteurs artisans du Québec, qui représente quelque 40 cidriculteurs, travaille d'ailleurs activement à la reconnaissance du

secteur cidricole au Québec. Cette association représente 84% de la production de cidre au Québec.

Des pommes tardives meilleures

La réputation du cidre de glace n'est plus à faire. Produit raffiné et unique du terroir, il s'installe progressivement dans nos habitudes. Le cidre mousseux a quant à lui plus de chemin à faire. Or, la pomme se prête bien à un mousseux.

Il «excite les papilles» à l'apéritif et accompagne bien les desserts. En fait, un cidre effervescent, à prise de mousse naturelle en bouteille, aura toutes les qualités pour accompagner un repas du début à la fin.

La plupart des pommes peuvent être utilisées pour le cidre. Cependant, les pommes tardives sont plus riches en saveurs et donnent de meilleurs cidres. Parmi les plus importantes, la McIntosh, la Cortland, l'Empire, la Spartan, la Liberty, la Trent, la Golden Russet et également, la Geneva, pomme à chair rouge, utilisée dans la fabrication des rosés.

 

COUP DE COEUR

LE MONT DE GLACE de la Cidrerie Léo Boutin.

Pour la néophyte que je suis, on dirait quasiment un sauternes. En tout cas, à enfiler avec un foie gras dans les jours fastes - comme à Noël - et plus modestement avec des rillettes ou un fromage. «Robe dorée, odeur de pomme fraîche», on en mangerait. Surtout à l'apéro, un genre Dubonnet onctueux, à odeur d'érable, à servir très frais.

www.cidreduquebec.com

www.gourmetquebec.com

 

LES ÉTAPES DE LA FABRICATION DU CIDRE

> Le broyage des pommes.

> Le pressurage, qui donne le moût de pomme ou jus destiné à la fermentation

alcoolique.

> Le débourbage, qui consiste à éliminer le premier dépôt appelé « bourbe»

du moût de pomme.

> La fermentation alcoolique, où les levures transforment lentement (à température contrôlée) le sucre de la pomme en alcool. > La clarification par différents soutirages, qui permet d'éliminer les dépôts de levures appelés «lies».

> Le vieillissement en cuve ou en barrique. Pour donner un cidre « tranquille»

qui pourra alors être embouteillé.

> Pour les cidres « effervescents» appelés le plus souvent «mousseux « , le cidre tranquille subit une seconde fermentation alcoolique en bouteille. Ou en cuve close pour les cidres mousseux de qualité. Un procédé plus industriel consiste à gazéifier artificiellement un cidre tranquille.

 

ROUTE DES CIDRES

Tourisme Montérégie propose une Route des cidres faite de 11 étapes, d'Hemmingford à Saint-Denis-sur-Richelieu en passant par Rougemont et Mont-Saint-Hilaire. Pionnière dans la production de cidre au Québec, la région produit chaque année une soixantaine d'alcool de pommes. À proximité de Montréal, on trouve aussi dans les Laurentides quelques cidreries artisanales.

Pour information : www.tm-vouschantelapomme.qc.ca (Montérégie) ;www.pommesenfete.com (Oka etMirabel)