En poste depuis l'automne 2004, l'actuel président-directeur de la SAQ Sylvain Toutant laisse la SAQ en bonne santé financière, celle-ci ne cessant d'engranger des bénéfices records depuis quelques trimestres.

Malgré tout, il ne sera pas regretté. Ni de la base ni même des cadres de la société d'État. Pourquoi?

Gestionnaire préoccupé avant tout de performance financière, peu soucieux des personnes, Sylvain Toutant a heurté bien des gens au cours de son règne de trois ans à la tête de la SAQ.

Puis, il y eut les événements de janvier et février 2006, à la suite de quoi le lien de confiance entre son PDG et le personnel de la SAQ fut rompu. Et jamais rétabli.

Rappelons les faits. En bref: à la suite de la remontée importante du dollar canadien par rapport à l'euro, la SAQ incita ses fournisseurs qui la facturent dans cette monnaie à hausser leur prix de gros, artificiellement, au-delà du plafond de 5% qu'elle avait elle-même fixé.

Pour cela, les fournisseurs devaient s'engager à lui consentir un rabais volume (kick back, en anglais) de 2,5%.

Ainsi, un vin vendu jusque-là au prix de gros de 90 euros la caisse de 12 bouteilles (ce n'est qu'un exemple), allait désormais pouvoir l'être, disons, à 100 euros.

Compte tenu du rabais de 2,5%, la SAQ allait en fait la payer 97,5 euros, tout en établissant son prix de détail à partir du prix de gros officiel de 100 euros.

Résultat, les fournisseurs feraient plus de sous, la SAQ de même (à cause du rabais volume et puisque l'euro allait lui coûter moins cher que jamais), tandis qu'on accorderait au consommateur une baisse symbolique des prix de détail de quelques sous.

Enfin, la SAQ allait avoir en main l'argument clé pour justifier la très faible diminution des prix de détail - à savoir que les fournisseurs avaient beaucoup augmenté leurs prix de gros.

L'affaire échoua, à la suite des révélations de La Presse.

Un peu plus tard, le PDG annonça l'annulation des 29 ententes du genre qui avaient été conclues avec des fournisseurs. Néanmoins, il affirma qu'il n'avait rien su de tout cela et que la responsabilité entière en incombait à deux de ses vice-présidents.

Tout le milieu québécois du vin - y compris le personnel de la SAQ - fit alors le même raisonnement.

S'il savait ce qui s'était passé, tout en affirmant qu'il l'ignorait, c'était grave, il était grandement fautif.

Si, par contre, il en ignorait tout, comme il l'affirmait, il était tout aussi fautif, sinon davantage, puisque cela démontrait qu'il n'avait aucun contrôle sur l'énorme machine qu'il était censé diriger.

Ainsi fut rompu, pour de bon, le lien de confiance qui aurait dû les unir, lui et le personnel.

Environ deux mois plus tard, Sylvain Toutant se mit à la recherche - en vain - d'un autre emploi. Après plusieurs trimestres au cours desquels on a vu grimper le bénéfice de la SAQ, il a enfin réussi.

Son départ permettra de tourner la page... et d'oublier ainsi cette histoire si peu reluisante.

Seule inquiétude: la SAQ, qui s'est elle-même empêtrée dans des procédures d'une complexité inouïe en matière d'achats, s'apprêtait, heureusement, à en assouplir les règles. Or, on peut craindre que le départ de son PDG reporte ces changements aux calendes grecques.

Reste enfin à souhaiter que le gouvernement Charest, plutôt que d'y placer un de ses bons amis, nomme à la tête de la SAQ quelqu'un qui, à la fois, connaisse le vin et son commerce.

Quelques vins

Les portos de type ruby (un assemblage de vins qui n'ont normalement pas plus de trois ans, et non millésimé) ont souvent un petit quelque chose de plutôt... ordinaire, pour ne pas dire grossier, si on les compare par exemple à de bons late bottled vintage.

D'un beau rouge bien soutenu, le Ruby Quinta do Infantado au bouquet alléchant et un peu épicé de petits fruits rouges, dense, assez peu sucré, n'a pour sa part rien de grossier, sans que ce soit un modèle de distinction, tout en brillant par la qualité et l'éclat de ses saveurs. Très bon. Bref, une agréable surprise, et à prix bien raisonnable.

C, 612 325, 15,60$, ***,$ 1/2, 2007-2009.

Vin rouge de qualité et toujours fiable, le Bordeaux Supérieur 2005 Château Pey La Tour est encore une fois parfaitement savoureux dans ce grand millésime. Fait essentiellement de Merlot (93%) et d'un peu de Cabernet Sauvignon et de Petit Verdot, puis élevé en fûts, il se présente avec un beau bouquet au boisé discret, qu'accompagne une bouche charnue, d'une bonne concentration, plus que moyennement corsée, aux tannins à la fois fermes et dépourvus de toute rugosité. Impeccable, et le prix est mérité.

C, 442 392, 21,85$, ***,$$ 1/2, 2007-2011.

La recommandation de la semaine

Produit par la Cave de Roquebrun - une coopérative -, le Saint-Chinian 2006 Terrasses de la Mouline, du Languedoc, au bouquet marqué surtout par les notes de fruits noirs de la Syrah, bien que ce cépage ne représente que 20 % de l'assemblage (plusieurs autres variétés entrent dans sa composition, dont 30 % de Grenache et autant de Carignan), est un de ces vins assez peu tannique, moyennement corsé, à servir frais, et qui, comme vin de tous les jours, est susceptible d'accompagner de nombreux plats. Fort correct.

C, 552505, 13,50 $, ** 1/2, $ 1/2, 2007-2008.

Dégustés pour vous

Saint-Chinian 2004 Veillée d'Automne Clos Bagatelle. Vin rouge du Languedoc exemplaire, bien typé Syrah (30%) avec son bouquet aux notes d'olives noires, ce cépage dominant par ses arômes et le Mourvèdre (30%) et le Grenache (40%). De corps moyen, ses tannins sont veloutés, tout à fait aimables. Rien de très concentré, mais l'équilibre est parfait. S, 979 229, 19$, ***,$$, 2007-2008.

Médoc 2003 Château Greysac. Bordeaux rouge au bouquet déjà évolué sans qu'il soit du tout déclinant, aux notes de cuir, assez charnu et au goût, encore là, légèrement évolué, aux tannins fondus (comme on dit), ronds, et un peu plus que moyennement corsé. Très bon. S, 896 274, 25,35$, ***,$$$, 2007-2009.

Bourgogne 2005 Maison Champy. Bourgogne rouge au bouquet plutôt unidimensionnel, mais qui, dans ce grand millésime, charme par la netteté de ses arômes. Au plus moyennement corsé, pourvu d'un très beau fruit, on retrouve en bouche la même netteté d'arômes. S, 10 516 625, 22,35$, ** 1/2 et même ***,$$ 1/2, 2007-2010.

Sancerre 2006 Le MD de Bourgeois. Un Sancerre peu coloré, à reflets verdâtres, au bouquet pénétrant, très Sauvignon blanc, tout aussi incisif en bouche que l'annonce le bouquet, vif en raison de son acidité, et pourvu de beaucoup de caractère. Superbe, mais cher. S, 967 778, 35$, *** 1/2,$$$ 1/2, 2007-2012.

LA RÈGLE> Plus d'étoiles que de $, le vin vaut largement son prix.

> Autant d'étoiles que de $, il vaut son prix.

> Moins d'étoiles que de $, il est cher ou même très cher.

> C indique qu'il s'agit d'un vin courant, vendu dans la plupart des succursales.

> S désigne les vins de spécialité, en vente uniquement dans un nombre limité de succursales.

> Le nombre d'années figurant après la note indique le potentiel de garde approximatif à partir de maintenant .

* Vin correct

** Bon

*** Très bon

**** Excellent

***** Exceptionnel

1/2 Égale une 1/2 étoile