Compliqués, les rouleaux de printemps? À première vue peut-être, mais pas si on les fabrique entre amis ou en famille. Savoureux, garnis d'herbes fraîches croustillantes, ils sont le repas idéal des grandes chaleurs.

Ne dites pas à Lilly Nguyen qu'elle est un excellent chef. Elle vous répondra à la vitesse de l'éclair que non. Spécialiste en communication, Mme Nguyen est pourtant une superbe cuisinière!

Or, toutes ses connaissances culinaires, elle les a acquises de sa mère, qui les a acquises de la sienne. La cuisine vietnamienne n'est pas une affaire de restaurant, c'est une affaire de famille. Et dans les familles vietnamiennes, qu'elles soient encore en Asie, ou qu'elles aient dérivé jusqu'en Amérique du Nord, il n'y a rien de plus vietnamien (et de plus facile à faire pour un non-Vietnamien) qu'un rouleau confectionné à la main, en groupe, à la minute. Encore davantage que les phós, les soupes matinales que l'on mange souvent sur un banc installé sur le trottoir.

Des rouleaux, «on en fait tout un repas contrairement aux usages des restaurants d'ici», dit Mme Nguyen, comme pour bien me faire comprendre que tout l'art de rouler «se trouve au bout des doigts». Les feuilles de riz qu'on nomme «banh trang» sont faites de farine de riz, d'un peu d'eau et de sel. Elles sont préalablement cuites à la vapeur et séchées sur des treillis de bambou en plein soleil - ce qui explique le beau motif en damier qui les couvre.

Pour s'en servir, il s'agit de mettre un peu d'eau sur le dessus ou dans une assiette plate comme le fait Mme Nguyen, et de rejeter l'excédent. On laisse reposer quelques minutes et la feuille de riz devient molle comme un chiffon. Attention de ne pas empiler les feuilles les unes sur les autres, car elles colleraient. Généralement, si on prépare les «cuon», les rouleaux crus, ceux qu'on appelle souvent les «rouleaux de printemps», on dépose sur la table toutes sortes d'ingrédients: des vermicelles à peine cuits, une assiette d'herbes fraîches et une autre de pousses de soja ou de concombres effilés, et selon la région et la cuisinière, un mélange de viandes ou de fruits de mer. Si on les passe à la grande friture, on les appelle pâtés ou rouleaux «impériaux».

Faisons d'abord un peu de syntaxe: les rouleaux vietnamiens appartiennent à plusieurs familles, mais tous sont fabriqués de la même manière, avec la même attention. Car, un rouleau mal façonné ou pire, mal roulé, peut vite entraîner le malheur pour celle (mais surtout celui) qui le prépare. Mme Nguyen nous explique: «On juge de l'esprit d'indépendance d'un futur gendre à sa manière d'enrouler les ingrédients dans une feuille de pâte de riz.» Ainsi, s'il roule bien serré et avec maîtrise, le jeune homme sera accepté dans sa future famille. S'il est incapable de rouler lui-même et a besoin d'aide, cela signifie qu'il sera un mari dépendant et veule. S'il y parvient avec une certaine grâce, il montre déjà des qualités d'autonomie. Aussi simple que ça!

Les rouleaux donc font partie de trois catégories distinctes. Celles-ci correspondent plus ou moins aux trois grandes régions du pays, à peu de choses près l'ancienne division administrative imposée par la France coloniale: le Tonkin au nord, l'Annam au milieu et la Cochinchine au sud. Les trois régions correspondent aussi à trois grandes villes: Hanoï, la capitale moderne, Hué la capitale impériale et Saïgon.

En fait, ce que l'on appelle les nems, au nord, s'appelle les cha gio au sud. Mais attention! Les nems existent quand même au sud, mais là, ça fait référence à des boulettes de porc grillées. Vous me suivez? Ainsi, si vous commandez des rouleaux dans un resto et qu'on les appelle des cha gio, vous saurez que les patrons sont de Saigon et non de Hanoï. Grosse différence!

Car au sud, on ne les prépare pas avec les mêmes ingrédients, ni tout à fait avec la même agilité. C'est bien connu, les gens du Nord aiment à penser que les gens du Sud ont la vie facile et sont plus indolents. Les rouleaux du sud sont souvent faits avec des ingrédients un peu sucrés et le porc haché, qui entre dans la préparation de certains, est légèrement fermenté, ce qui donne des notes acidulées à la viande.

Au nord, où la cuisine a subi la forte influence chinoise, on préfère les mélanges de viande plus gras, auxquels on peut ajouter du crabe ou des crevettes. Au centre, on a tendance à privilégier la cuisine plus piquante; on aime ajouter un peu de sauce au piment pour relever les rouleaux.

Autrement, pour rouler, la méthode est toujours la même: on étend un peu de tout - viande, herbes et vermicelles - sur la feuille moite. Ensuite, on replie une moitié de feuille sur les ingrédients, puis on replie chaque côté de manière à former un petit paquet et - là ça se complique toujours un peu, prévient Mme Nguyen - on roule très près des ingrédients et surtout très serré.

Le truc est de ne pas percer la feuille. Avec un peu de patience et d'entraînement, on arrive à faire de beaux billots bien droits et bien serrés. Ensuite, après ces activités qui demandent un peu de doigté et qui creusent l'appétit, on déguste environ quatre rouleaux par personne pour un appétit moyen.

Lilly Nguyen en bref

Née

À Saïgon. Elle est arrivée au Québec à l'âge de 4 ans. Elle a étudié à l'UQAM en gestion internationale.

Particularité

Elle a été l'attachée de presse de la ministre québécoise des Relations internationales, Monique Gagnon-Tremblay. La première personne d'origine asiatique à avoir occupé un tel poste dans le gouvernement québécois.

Son livre de chevet

La trilogie de Peter Mayle (Une année en Provence, Le bonheur en Provence et Toujours Provence). «Depuis des années, je passe mes vacances d'été en Provence. Ces livres me mettent dans l'ambiance à longueur d'année.»

Son resto vietnamien préféré à Montréal

Harmonie d'Asie, 65, rue Duluth Est

«Un resto "apportez votre vin" avec une cuisine rassurante, un accueil rarissime. Le secret le mieux gardé en ville.»

Autre préféré: La Montée de lait, 371, rue Villeneuve Est. «Une valeur sûre.»

Ses lieux de shopping préférés

L'épicerie Kim Phat, rue Jarry; Milano, boulevard Saint-Laurent, et Adonis, rue Sauvé. «Et ma découverte de l'année, la boutique Wilfrid&Adrienne, au 4933, rue Sherbrooke Ouest. Pour leur collection de livres de recettes et les accessoires de cuisine.»