Huit jours après le référendum sur le Brexit, en 2016, Amy Pollard s'est retrouvée enfermée à l'arrière d'un fourgon de police après avoir été victime d'un épisode psychotique provoqué par le résultat du vote.

Déjà diagnostiquée bipolaire par le passé, et en manque de sommeil après avoir accouché de sa fille huit mois plus tôt, cette chercheuse en sciences sociales de 38 ans n'a pas supporté l'anxiété qu'a causée chez elle l'idée d'une sortie du Royaume-Uni de l'UE.

Ce sont ses proches, inquiets, qui ont prévenu la police, avant qu'elle soit transférée dans un établissement psychiatrique.

«Ils m'ont menottée, m'ont fait sortir et m'ont installée à l'arrière d'une fourgonnette», se souvient celle qui dirige désormais une association pour venir en aide aux personnes en proie à des crises d'angoisse.

«J'étais en congé de maternité lors du vote du Brexit. Je ne pouvais pas m'empêcher d'essayer de trouver des solutions, d'anticiper ce qui allait se passer, je n'arrivais pas à dormir», raconte-t-elle.  

«J'ai tellement essayé de trouver une issue que j'ai fait une crise psychotique, et j'ai été internée le 1er juillet» 2016, détaille cette titulaire d'un doctorat obtenu à l'université de Cambridge.  

«On a frappé à la porte, la police est entrée. Je voulais les convaincre de ne pas m'emmener. Ils refusaient continuellement de prendre un thé, et finalement j'ai brisé la théière sur le sol, je trouvais ça tellement impoli... C'est là qu'ils m'ont menottée».

Amy Pollard a passé quatre mois à l'hôpital. Elle a initialement été admise dans un service pour troubles sérieux, une période qu'elle qualifie «d'horrible».

«Divisions profondes et douloureuses»

Son expérience l'a amenée à créer Mental Health Collective, une structure proposant des services pour les personnes «ébranlées par les divisions, l'incertitude, le sentiment d'impuissance».

«Le Brexit a catalysé et révélé des divisions profondes et douloureuses à travers le pays, beaucoup de défiance, et c'est devenu le symbole de notre incapacité à se parler», estime-t-elle.

Selon une enquête réalisée au Royaume-Uni pour le compte de l'Association pour la santé mentale, quatre Britanniques sur dix ont ressenti de la colère, de l'inquiétude ou de l'impuissance face au Brexit.

«Ne pas se sentir entendu ou en contrôle, avoir l'impression que l'on n'a aucune prise sur la situation, je pense que c'est un sentiment que l'on a tous éprouvé», affirme Amy Pollard.  

Elle estime également que les réseaux sociaux ont contribué à développer son anxiété dans le contexte du Brexit.

«Ils m'ont permis d'entrer en contact avec les personnes pour lesquelles j'ai le plus de respect dans la vie, et de découvrir qu'elles avaient peur».  

«Voir toutes ces personnes surgir d'un seul coup dans votre vie, paniquer comme jamais... c'est incroyablement déstabilisant», raconte-t-elle. «On avait l'impression que personne ne contrôlait la situation. C'est une idée vraiment difficile à admettre». Elle précise qu'elle s'est «apaisée» depuis.

«Beaucoup d'amour»

Elle se remémore également l'isolement qu'elle a ressenti après le référendum. «Je marchais avec le sentiment que les gens autour étaient des étrangers. Cette impression que le sol tremble sous vos pieds...».

Amy Pollard conseille à ceux qui s'inquiètent de leur propre réaction au Brexit de «faire confiance à leur instinct» et de solliciter du soutien autour d'eux.

Mais aujourd'hui la sortie de l'UE n'est plus sa principale préoccupation. «Les détails de notre relation avec l'UE, ce n'est pas vraiment ce qui m'inquiète. Ce qui compte c'est d'aborder cette situation tous ensemble, que l'on trouve un moyen de se réunir de nouveau».

«À une échelle très modeste, nous avons le pouvoir de faire des choses positives. La gentillesse, la joie, le plaisir n'ont pas disparu simplement parce que nous sommes face à de grands défis», souligne-t-elle.

«Il y a beaucoup d'amour et un grand désir partagé dans la société de pouvoir de nouveau se retrouver ensemble».