On sait depuis longtemps que prendre une faible dose d'aspirine réduit les risques de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral (AVC) ou de tout autre problème cardiaque chez les personnes qui en ont déjà subi un, mais les bienfaits ne surpassent pas les risques pour les autres personnes, démontrent de nouvelles études.

Bien que l'aspirine soit utilisée depuis plus d'un siècle, ses bienfaits pour prévenir différents problèmes de santé ne sont toujours pas clairs. Les dernières études comptent parmi les plus importantes et les plus longues à avoir testé cet anticoagulant chez des sujets ne présentant pas encore de maladie cardiaque ou de problème vasculaire.

L'une d'entre elles a constaté que l'aspirine ne permettait pas de prévenir les premiers AVC ou les premières crises cardiaques chez les personnes à risque modéré, puisque ces sujets présentaient de nombreux facteurs de risque comme le tabagisme, l'hypertension ou l'hypercholestérolémie.

Une autre a testé l'aspirine chez les personnes atteintes de diabète, qui sont plus susceptibles d'avoir des problèmes cardiaques ou d'en mourir, et a constaté que le bénéfice modeste noté s'accompagnait d'un risque accru de saignement grave.

L'aspirine n'a pas non plus aidé à prévenir le cancer comme on l'avait espéré.

Et les suppléments d'huile de poisson, également testés dans l'étude des personnes atteintes de diabète, se sont révélés inutiles.

« Il y avait beaucoup d'incertitude parmi les médecins à travers le monde au sujet de la prescription d'aspirine, a expliqué l'une des auteurs de l'étude, la docteure Jane Armitage, de l'Université d'Oxford en Angleterre. Si vous êtes en bonne santé, cela ne vaut probablement pas la peine d'en prendre. »

La recherche a été présentée dimanche lors d'une réunion de la Société européenne de cardiologie à Munich. Les études sur l'aspirine ont utilisé 100 milligrammes par jour, soit plus que les comprimés de 81 milligrammes vendus aux États-Unis, mais toujours considérés comme étant une faible dose. La posologie pour un adulte est de 325 milligrammes.

Qui est vraiment à risque ?

Une étude menée à Boston a donné de l'aspirine ou des comprimés factices (un placebo) à 12 546 personnes qui risquaient de souffrir d'une crise cardiaque ou d'un AVC au cours de la prochaine décennie en raison d'autres problèmes de santé.

Au bout de cinq ans, 4 % des membres de chaque groupe avaient souffert d'un problème cardiaque - nettement moins que prévu, ce qui suggère que ces personnes étaient en fait à risque faible et non modéré. D'autres médicaments qu'ils prenaient pour abaisser la tension artérielle et le cholestérol ont pu réduire leur risque cardiaque à un tel point que l'aspirine avait peu de chance de les aider davantage, a expliqué le directeur de l'étude, le docteur J. Michael Gaziano, de l'hôpital Brigham and Women's.

Parmi les personnes ayant pris de l'aspirine, 1 % ont souffert de saignements de l'estomac ou de l'intestin, la plupart du temps bénins, soit deux fois plus que ceux qui prenaient un placebo. Les utilisateurs d'aspirine ont également eu plus de saignements de nez, d'indigestion, de reflux ou de douleurs au ventre.

L'étude a été commanditée par Bayer et de nombreux chercheurs travaillent pour le fabricant d'aspirine. Les résultats ont été publiés par le réputé journal médical The Lancet.

L'aspirine pour les personnes atteintes de diabète ?

Les personnes atteintes de diabète présentent un risque plus élevé de problèmes cardiaques et d'AVC causés par un caillot sanguin, mais présentent également un risque plus élevé de saignement. Les directives varient quant à savoir lesquelles devraient prendre de l'aspirine.

Les chercheurs d'Oxford ont sélectionné au hasard 15 480 adultes atteints de diabète de type 1 ou 2, mais en bonne santé et sans antécédents de problèmes cardiaques, pour qu'ils prennent quotidiennement de l'aspirine, 1 gramme d'huile de poisson, les deux substances ou un placebo.

Après sept ans et demi, il y avait moins de problèmes cardiaques chez les utilisateurs d'aspirine, mais plus de cas de saignements graves. On a donc échangé un risque pour un autre.

Résultats de l'huile de poisson

La même étude a également testé des acides gras oméga-3, à savoir les huiles bénéfiques présentes dans le saumon, le thon et d'autres poissons. Ceux qui prenaient des suppléments ne s'en tiraient pas mieux que ceux qui avaient reçu un placebo - 9 % des membres de chaque groupe ont souffert d'un problème cardiaque.

« Nous sommes convaincus que les suppléments d'huile de poisson ne semblent pas jouer un rôle dans la prévention des maladies cardiaques », a déclaré la responsable de l'étude, la docteure Louise Bowman, de l'Université d'Oxford.

La Fondation britannique du coeur était le principal commanditaire de l'étude. Bayer et Mylan ont fourni respectivement de l'aspirine et de l'huile de poisson. Les résultats ont été publiés par le prestigieux New England Journal of Medicine.

D'autres études testent différentes doses de ces huiles, « mais je ne peux pas dire aux gens de dépenser pour aller en acheter. Nous pensons que c'est probablement mieux de manger du poisson », a dit la docteure Holly Andersen, une spécialiste de la prévention des maladies cardiaques au New York-Presbyterian/Weill Cornell qui n'a pas participé à l'étude.

La nouvelle recherche ne modifie pas les directives sur l'aspirine ou l'huile de poisson, a prévenu la docteure Nieca Goldberg, cardiologue au Centre médical NYU Langone et porte-parole de l'Association américaine du coeur. Le groupe recommande l'huile de poisson seulement pour certains patients souffrant d'insuffisance cardiaque et estime qu'on peut raisonnablement l'envisager pour les personnes ayant déjà subi une crise cardiaque.