C'est l'une des conséquences les plus sournoises du diabète : la maladie attaque les yeux, et peut aller jusqu'à rendre les patients aveugles. Or, le ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation annoncera aujourd'hui au CHUM le déploiement d'un système d'intelligence artificielle conçu au Québec qui permettrait de détecter automatiquement cette complication et d'accélérer le travail des médecins.

La rétinopathie diabétique touche pas moins d'un demi-million de Canadiens, un nombre appelé à doubler d'ici à 2030 avec l'explosion des cas de diabète et le vieillissement de la population. La complication survient quand l'excès de sucre dans le sang fragilise les parois des petits vaisseaux sanguins. Ceux-ci finissent par éclater, ce qui cause de petites hémorragies.

Lorsqu'elles surviennent dans l'oeil, celles-ci causent des problèmes de la vue qui peuvent devenir très sérieux : la rétinopathie diabétique est d'ailleurs la première cause de cécité chez les gens de moins de 65 ans.

La solution

L'entreprise Diagnos, de Brossard, a mis sur pied une plateforme basée sur l'intelligence artificielle capable de détecter les signes de la maladie à partir d'une simple photo de la rétine. Ces photos sont prises en quelques minutes à l'aide de caméras spéciales qu'on trouve déjà dans plusieurs cliniques, centres d'optométrie et pharmacies.

Des algorithmes analysent ensuite l'image pour y détecter automatiquement les petites lésions et les inflammations trahissant la maladie. Le système, qui apprend de ses erreurs, a déjà analysé les yeux de près de 225 000 patients dans 16 pays.

«On rééduque sans cesse nos algorithmes. On peut encore faire de petits gains avec les nouveaux patients, mais on arrive pas mal à la fin de l'optimisation», dit le président de Diagnos, André Larente, qui affirme que le système parvient à détecter 98,5% des cas de rétinopathie.

Le fonctionnement

Une photo de rétine ressemble à une boule orange striée de veines et d'artères. Le système développé par Diagnos traite d'abord l'image avec des algorithmes pour que les détails y apparaissent mieux. Les informations sont ensuite envoyées sur des serveurs situés à L'Île-des-Soeurs, où elles sont analysées par un système d'intelligence artificielle. Celui-ci décide s'il y a ou non de la rétinopathie et classe les cas selon leur gravité.

«On n'a pas le droit de faire du diagnostic : c'est le médecin qui fait ça. C'est un outil d'aide à la décision», précise André Larente. Selon lui, les grands avantages sont la rapidité d'analyse et le fait que les algorithmes peuvent analyser des images en continu sans perdre de leur vigilance. «Le système informatique va attraper des microanévrismes que l'humain ne verrait pas», ajoute M. Larente.

Le test



Déjà testé dans 16 pays, le système de Diagnos fera son entrée au CHUM ce mois-ci dans le cadre de ce qu'on appelle une «vitrine technologique».

«C'est un projet qui est intéressant pour nos patients. Nous avons une problématique importante, au CHUM comme ailleurs, qui est l'accès au dépistage de la rétinopathie diabétique», explique la Dre Andrée Boucher, chef du service d'endocrinologie du CHUM.

Actuellement, les délais d'attente pour qu'un patient diabétique obtienne un rendez-vous en ophtalmologie au CHUM sont de 18 à 24 mois. Cette attente est jugée «inacceptable» par la Dre Boucher, qui explique que les problèmes de la vue peuvent empirer considérablement pendant ce temps.

Le système de Diagnos sera donc installé à l'Hôtel-Dieu, et on espère qu'il parviendra à désengorger les listes d'attente. Des vérifications seront faites pour s'assurer que les yeux déclarés sains par l'intelligence artificielle ne présentent effectivement pas de pathologie.

La suite

Après six mois, le CHUM décidera si ce projet est prolongé ou non. Diagnos, dont les systèmes ont été installés dans 16 pays, dont la Turquie, le Nigeria, le Mexique et l'Arabie saoudite, admet être heureuse de finalement percer au Québec. Le président André Larente explique le retard par la «guerre» qui, selon lui, règne dans la province.

Des débats ont en effet eu lieu pour savoir si les médecins de famille devraient diriger leurs patients diabétiques vers les ophtalmologistes ou les optométristes pour détecter la rétinopathie diabétique.

À terme, Diagnos veut tirer profit du fait que l'oeil est la seule fenêtre du corps qui permet de voir les veines et les artères de façon non invasive pour tenter de détecter d'autres pathologies, notamment le risque d'accidents vasculaires cérébraux.