Les robots sont de plus en plus nombreux à pratiquer des interventions chirurgicales. Or, ils sont loin d'être infaillibles. Une étude américaine révèle qu'ils ont provoqué au moins 144 morts et près de 1400 blessures en 13 ans aux États-Unis.

Patients coupés, pièces qui tombent dans le corps des malades, arcs électriques qui provoquent des brûlures, pannes qui obligent à changer de plan de traitement ou à remettre l'opération: en entrevue avec La Presse, l'un des chercheurs de l'étude dénonce le fait que ces événements sont très mal documentés aux États-Unis.

«Il est difficile de savoir quelle proportion des événements a été captée dans notre étude. Je dirais que c'est peut-être moins de 20%», indique Jai Raman, professeur de chirurgie cardiaque au Rush University Medical Center de Chicago.

Aux États-Unis, un manufacturier d'équipement médical doit obligatoirement rapporter toute défaillance qu'il observe sur ses systèmes, mais ce n'est pas le cas du personnel médical, qui n'a aucune obligation à cet égard.

«C'est très ironique, commente M. Raman. Dans l'industrie de l'aviation, tous les incidents font obligatoirement l'objet d'une enquête. L'industrie médicale devrait appliquer les mêmes normes afin de bien protéger les patients.»

Étude conjointe

Difficile de bien interpréter les chiffres dévoilés par l'étude, réalisée conjointement par le Massachusetts Institute of Technology (MIT), le Rush University Medical Center et l'Université de l'Illinois. Les auteurs estiment qu'entre 2007 et 2013 seulement, plus de 1,74 million d'interventions ont été pratiquées par des systèmes robotiques aux États-Unis. Le chiffre de 144 morts entre 2000 et 2013, une période deux fois plus longue, ne semble donc pas si élevé.

«Malgré un nombre relativement élevé de rapports [d'incident], la vaste majorité des interventions ont été couronnées de succès et n'ont conduit à aucun problème», écrivent d'ailleurs les auteurs.

Mais le fait qu'une grande proportion d'événements n'est pas rapportée inquiète M. Raman.

«Ce que nous avons montré, c'est que les systèmes robotiques connaissent un nombre non négligeable de défaillances et de complications et que les procédures visant à documenter des événements sont insuffisantes», résume-t-il.

Selon lui, les données ne permettent pas de dire si l'utilisation d'un robot pour une intervention chirurgicale donnée augmente ou diminue le risque de complications pour les patients.

Les robots sont surtout utilisés pour des opérations peu invasives, en grande majorité en gynécologie et en urologie. Lorsqu'ils sont utilisés dans des interventions plus complexes comme les opérations cardiothoraciques ou au cou, les robots entraînent un taux plus élevé d'incidents que dans le cas des interventions chirurgicales moins délicates.

Au Québec

Paul Brunet, président du conseil d'administration du Conseil de la protection des malades, refuse a priori de s'alarmer.

«En général, quand des accidents surviennent, les erreurs humaines sont la cause la plus fréquente. On a de nombreux cas où la technologie a conduit à des améliorations», dit-il.

Il précise aussi que le cas du Québec est différent, puisque chaque incident et accident thérapeutique doit faire l'objet d'une déclaration obligatoire.

«Nous savons que ces incidents et accidents ne sont pas toujours rapportés. Mais au moins, il y a une loi à cet égard», dit-il.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux n'a pas pu préciser, hier, combien d'interventions chirurgicales étaient pratiquées par des robots dans la province. Mais comme aux États-Unis, on précise qu'ils sont surtout utilisés en urologie et en gynécologie.

Problèmes avec les systèmes de vidéo ou d'imagerie (7,4% des cas)

> Pièces brisées ou brûlées qui tombent dans le corps des patients (14,7% des cas)

> Arcs électriques ou étincelles (10,5% des cas)

> Mouvements incontrôlés, allumage ou fermeture non intentionnelle des systèmes (10,1% des cas)