Le risque de transmission du virus du sida lors d'une relation vaginale est négligeable dans certains cas, affirme l'Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) dans un nouveau rapport dévoilé hier. Et le risque pourrait aussi être négligeable lors de relations orales ou anales.

«Plusieurs études ont montré que lorsque la charge virale est indétectable, le risque de transmission est négligeable», explique Marc Steben, médecin à l'INSPQ et l'un des auteurs du rapport. «Les résultats préliminaires de l'étude Partners semblent confirmer cela. On a utilisé le conditionnel pour les relations orales et anales pour refléter le fait que les résultats définitifs de Partners ne sont pas encore sortis.»

Le risque de transmission lors d'une relation vaginale non protégée n'est toutefois négligeable que lorsque les conditions suivantes sont respectées, selon l'INSPQ: charge virale (quantité de virus du sida dans le corps de la personne séropositive) indétectable; respect du traitement 95% du temps; relation stable et exclusive; aucune infection transmissible sexuellement (ITS) chez les deux partenaires; suivi médical intensif des deux partenaires tous les trois ou quatre mois; et « counselling » régulier des deux partenaires.

En mai, un «consensus d'experts» publié par le Journal canadien des maladies infectieuses et de la microbiologie médicale allait plus loin: le risque était jugé négligeable en l'absence de préservatif pour tous les types de relations si la personne séropositive avait une charge virale indétectable. Il n'était pas non plus question de relation stable.

«Ce consensus portait sur des questions de légalité, commente le Dr Steben. Depuis deux ans, on a battu des records pour ce qui est des condamnations de séropositifs qui n'ont pas dévoilé leur état à leur partenaire. Il fallait changer cela pour que la justice prenne en compte les nouveaux résultats qui montrent presque une éradication du risque avec une charge virale négative. Mais en santé publique, on est plus prudents.»

Cette prudence va peut-être trop loin, selon Mark Wainberg, qui dirige le Centre de recherche sur le sida de l'Université McGill, à l'Hôpital général juif.

«Je ne vois pas la différence entre une relation stable et une histoire d'un soir, pour ce qui est du risque de transmission du VIH», indique le Dr Wainberg.

Une question de confiance

Cela dit, le Dr Steben est convaincu qu'en l'absence de transmission de la maladie, aucune poursuite criminelle ne devrait être déposée contre une personne qui n'a pas révélé sa séropositivité, qu'il s'agisse d'une relation d'un soir ou à plus long terme. Comme pour les autres ITS, ce genre de poursuite devait être uniquement civile.

«C'est devenu une question de confiance, dit le Dr Steben. Il faut être capable de négocier des relations sexuelles sécuritaires au début avec son partenaire, par exemple la masturbation. Ensuite, si la relation devient sérieuse, on dévoile la séropositivité. Mais il y a aussi des séropositifs qui ne veulent absolument pas faire courir quelque risque que ce soit à leur partenaire, même en l'absence de charge virale détectable. C'est une question qui doit être décidée à l'intérieur de chaque couple.»

Cette ouverture est souvent garante d'un meilleur respect des traitements, selon le Dr Steben. «On a des études montrant que la difficulté à accepter la séropositivité est souvent liée à un problème d'adhérence à la médication, par exemple chez les toxicomanes, dans les populations immigrantes et à risque. Une étude sur la trajectoire de soins des immigrants de l'Afrique, au sud du Sahara, montre que la maladie est souvent vue comme une punition de Dieu, un mal mérité. D'un autre côté, on voit des escortes masculines qui vivent très bien avec le risque, et s'il le faut, leurs partenaires prennent de la prophylaxie pré - ou post - exposition [prise de médicaments avant ou après une relation à risque pour diminuer le risque d'infection].»

Le Dr Wainberg va même plus loin: «Honnêtement, si j'habite Montréal, avec tous les médicaments, je préférerais être infecté par le VIH que par l'hépatite B.»