Sans inhaler la fumée d'une seule cigarette ni même engloutir un simple hamburger, des momies de près de 4000 ans avaient les artères obstruées. Selon une étude publiée cette semaine, l'athérosclérose, soit l'obstruction et le durcissement des artères, serait donc liée davantage au vieillissement de l'être humain qu'aux facteurs de risque contemporains comme le tabagisme ou la malbouffe. Mais cette recherche est loin de faire l'unanimité...

DES MOMIES SOUS RAYONS X

L'étude litigieuse, publiée dans le journal médical The Lancet, a soumis aux rayons X les artères de 137 momies provenant des quatre coins du monde. Parmi celles-ci, 76 provenaient de l'Égypte et 51 du Pérou. Cinq momies avaient été retrouvées dans le sud-ouest des États-Unis. Les cinq autres provenaient des îles Aléoutiennes, dans le sud-ouest de l'Alaska.

UNE «FAILLE IMPORTANTE» DE L'ÉTUDE

L'alimentation des populations étudiées pouvait s'avérer particulièrement riche et élaborée. «Certains peuples avaient une alimentation dense en calories et en ce sens, semblable à la nôtre», explique le Dr Martin Juneau, cardiologue et directeur de la prévention à l'Institut de cardiologie de Montréal. Selon ce dernier, il s'agirait là d'une «faille importante» de cette recherche. L'étude indique en outre que sur les 137 momies étudiées, 132 provenaient de populations se nourrissant d'agriculture ou d'élevage. La recherche mentionne aussi que les Égyptiens se nourrissaient notamment de blé, d'orge, d'olives, de haricots, de moutons, de chèvres, de cochons... Pour accompagner le tout, ils pouvaient aussi boire de la bière ou du vin.

LE FEU, ANCÊTRE DU TABAGISME?

Chez ces populations ancestrales, on utilisait le feu pour se réchauffer et cuire les aliments. Certains peuples utilisaient aussi le feu à l'intérieur de cavernes, ou encore dans des abris creusés sous terre. Dans l'étude, on indique qu'il était parfois nécessaire chez certains sociétés d'essuyer le visage couvert de suie des enfants. Même si la cigarette n'existait pas à l'époque, les auteurs de l'étude soutiennent que l'utilisation constante du feu et l'inhalation continue de sa fumée dans ces endroits clos ont pu jouer un rôle similaire à celui du tabagisme dans le développement de l'athérosclérose.

À NOUS TÉLÉ, HOT-DOGS ET CIGARETTES?

Les personnes tentées de laisser tomber leurs saines habitudes de vie à la lecture de cette étude devraient se raviser, selon le Dr George Honos, chef du service de cardiologie du Centre hospitalier universitaire de l'Université de Montréal (CHUM). «Il ne faudrait surtout pas comprendre de cette étude qu'on n'a aucun contrôle sur notre santé cardiovasculaire, souligne le cardiologue. Oui, c'est vrai: l'âge est le plus important facteur de risque de l'athérosclérose, mais il se trouve qu'on n'a aucun contrôle sur ce facteur.» Selon le Dr Martin Juneau, nombre d'études ont démontré que les habitudes de vie, le tabagisme, la sédentarité et une mauvaise alimentation ont une incidence majeure et directe sur le risque d'athérosclérose. «Les peuples qui sont demeurés à l'abri de mauvaises habitudes de vie ont une santé largement supérieure à la moyenne. Au sein de ces populations, les personnes âgées sont en excellente santé, elles vivent mieux et plus longtemps.»

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L'ATHÉROSCLÉROSE POUR LES NULS

Chez l'être humain, le sang doit circuler dans les artères pour apporter l'oxygène et les substances nutritives aux organes. Lorsque les artères sont obstruées par des plaques composées de corps gras, de calcium et de déchets de cellules, elles perdent leur élasticité et rétrécissent. La circulation du sang se trouve alors ralentie ou bloquée. En cas de blocage, l'oxygène et les substances nutritives ne peuvent plus se rendre aux organes. L'athérosclérose peut alors entraîner la mort: si le blocage se produit dans une des artères du coeur, le blocage causera des douleurs thoraciques. En progressant dans les artères du coeur, l'athérosclérose peut provoquer une crise cardiaque. Si elle se forme au cerveau, elle peut entraîner un accident vasculaire cérébral (AVC).

PERDRE (OU GAGNER) 15 ANS DE VIE

S'il est impossible de modifier l'âge chez l'être humain, 80% des facteurs de risque liés aux maladies cardiovasculaires peuvent néanmoins être changés. «Chaque jour, c'est nous qui faisons le choix de mettre des aliments sains ou malsains dans notre panier d'épicerie. C'est nous qui décidons de prendre les escaliers ou encore l'ascenseur, insiste le Dr George Honos. Ce sont ces choix que nous faisons sur une base quotidienne qui, au final, nous feront gagner - ou perdre - 15 ans de notre vie.»

Source: Fondation des maladies du coeur du Québec