Dans la grande pièce vide tapissée de blanc, Christian Duval étend les bras à l'horizontale, puis fait semblant de marcher, de se pencher, de se tourner. Sur l'écran de l'ordinateur, un personnage longiligne fait les mêmes mouvements.

Cette prouesse technologique peut sembler banale pour les amateurs de Wii ou de Xbox Kinnect. Mais pour les personnes âgées qui souffrent de la maladie de Parkinson, ce pourrait être une révolution.

Le chercheur de l'Institut de gériatrie de l'Université de Montréal veut détecter automatiquement les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson ou, à tout le moins, concevoir une méthode d'analyse qui accélérera le suivi par les neurologues. Cela permettra un ajustement plus fréquent des médicaments pour les personnes qui habitent en région, qui seront suivies sans qu'elles aient à se rendre souvent dans les grands centres et de mieux concevoir les appartements adaptés aux malades.

Meilleur suivi

«Un patient atteint de la maladie de Parkinson peut voir son neurologue une fois, au maximum deux fois par année, explique M. Duval dans ses bureaux du quartier Côte-des-Neiges. Ça ne permet pas de faire le suivi rapidement en cas de changement de médication. Et les limitations fonctionnelles à la maison sont mal comprises par le médecin, parce qu'elles ne se reflètent pas nécessairement dans les tests en hôpital.» En regardant une modélisation des mouvements d'un patient à l'écran, M. Duval est capable de constater que l'un des deux bras ne se balance pas autant que l'autre quand il marche.

Pour ce faire, il travaille à quatre types de technologie: une application pour téléphone intelligent, un capteur GPS, une combinaison qui serait portée pendant quelques jours à la maison et la grande pièce vide de son laboratoire, qui est encerclée de 14 détecteurs de mouvements semblables à celui de la Wii et de la Kinnect. Il dirige une équipe de huit chercheurs des quatre coins du Canada travaillant sur ce sujet.

Téléphone et GPS

L'application pour téléphone permettra de faire un suivi de l'évolution des tremblements du patient. L'application reflète bien les mesures cliniques et en laboratoire, selon une étude qui vient d'être publiée par M. Duval et son équipe dans la revue Frontiers in Human Neuroscience. Le capteur GPS permettra de voir rapidement si le patient limite ses déplacements à cause de sa maladie, ce qui pourrait signifier qu'elle empire. Les premiers résultats seront publiés ce printemps.

Les tests en laboratoire de la combinaison, munie de 15 capteurs mesurant les mouvements du patient, sont presque terminés et les participants à une première étude clinique sont en voie de recrutement.

«Si on constate par exemple que le patient se cogne toujours contre le cadre de porte ou contre une table basse, ou qu'il n'utilise presque pas certaines pièces, on a des signaux d'alarme et peut-être des indications pour les architectes et les ergonomes, dit M. Duval.

«La plupart des patients ont de la difficulté à reconnaître leurs symptômes et leurs impacts. En ce moment, nous analysons tous les paramètres pour évaluer quels types de mouvement il faut regarder en priorité. Nous allons avoir la plus grosse base de données qualitatives sur les mouvements de la maladie de Parkinson au monde.»

La pièce munie de capteurs de mouvements, elle, pourrait être installée dans les cliniques spécialisées et gérée par des techniciens. Elle est actuellement calibrée à l'aide d'une combinaison, qui a des mesures plus précises (chaque capteur de la combinaison calcule sa position relative par rapport aux autres avec un accéléromètre, un magnétomètre et un gyroscope). Des personnes âgées en bonne santé et atteintes de la maladie de Parkinson testent la combinaison et bientôt la pièce munie de capteurs. L'étape suivante sera la prise de mesures, toujours avec des gens en bonne santé et atteints du parkinson, pour différentes tâches, dans la pièce munie de capteurs. L'objectif est d'avoir un premier test clinique d'ici deux à trois ans.

Christian Duval est arrivé à la maladie de Parkinson par l'entremise du parachutisme. «J'ai fait partie de l'équipe canadienne de parachutisme, dit-il. J'ai été champion national. J'ai fait un bac en activité physique à Trois-Rivières, puis une maîtrise en neurocinétique à l'UQAM et un doctorat sur l'effet des neurochirurgies pour la maladie de Parkinson à McGill. Je me suis toujours intéressé à l'impact des symptômes moteurs sur la vie quotidienne.»

Pour participer à l'étude du professeur Duval: https://criugm.qc.ca/fr/participer.html