Depuis plus d'un siècle, les pays industrialisés connaissent une augmentation sans précédent de l'espérance de vie. Une nouvelle étude avance que cette révolution de la vieillesse amène à repenser un aspect de la théorie de l'évolution.

«En théorie, chaque période de la vie peut être expliquée par des gènes», explique Oskar Burger, anthropologue de l'Institut Max-Planck, joint à Rostock, dans le nord de l'Allemagne. «On avait donc expliqué la sénescence, les problèmes biologiques qui accompagnent la fin de la vie, par l'activation de codes de péremption dans les gènes. Mais l'allongement de la vie depuis deux siècles a été beaucoup trop rapide pour être dû à des mutations génétiques. Cela signifie que la vieillesse est une simple usure du corps qui peut être ralentie indéfiniment.»

Dans un article de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, paru à la mi-octobre, M. Burger compare l'espérance de vie et le risque de mourir à différents âges dans quatre populations: au Japon depuis 1947, en Suède depuis le milieu du XVIIIe siècle, chez une douzaine de tribus de chasseurs-cueilleurs en Océanie, en Amérique du Sud et en Afrique, ainsi que chez des chimpanzés sauvages et en captivité. Les chasseurs-cueilleurs sont selon lui équivalents aux hommes préhistoriques, en ce qui concerne leur espérance de vie et leur risque de mortalité.

Sa conclusion: l'homme est une exception chez les primates par l'ampleur de l'allongement de l'espérance de vie. «L'allongement de l'espérance de vie a touché seulement 4 des 8000 générations d'humains qui ont existé, indique M. Burger. Dans les sociétés industrialisées, un homme de 72 ans a une santé comparable à celle d'un homme de 30 ans chez les chasseurs-cueilleurs n'ayant pratiquement aucun contact avec la médecine moderne.»

Cette analyse permet de penser qu'il n'y a pas de limite à la longévité humaine et que le vieillissement de la population ne fera pas nécessairement exploser les coûts des systèmes de santé. «La majorité des coûts de santé est concentrée dans les quelques années avant la mort, quand on a besoin de soins palliatifs, explique M. Burger. Cette période ne s'allonge pas. Quant à l'espérance de vie, elle augmente de façon linéaire. Jusqu'à maintenant, il n'y a eu de plateau dans aucun pays industrialisé.»

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Le graphique logarithmique illustrant l'article indique la probabilité de mourir dans les 12 prochains mois, selon l'âge:

- au Japon en 1947 et en 2010

- chez les chimpanzés à l'état sauvage et au zoo

- chez les chasseurs-cueilleurs isolés de la société moderne.

Par exemple, pour un Japonais ayant 40 ans en 2010, le risque de mourir avant l'âge de 41 ans est de 1 sur 1000. En 1947, il était de 1 sur 300.

La conclusion est claire: depuis un demi-siècle, l'homme a diminué son risque de mourir d'une manière inégalée dans l'histoire.