À l'occasion de la journée mondiale contre le cancer, la Ligue française contre le cancer se fait l'écho jeudi d'une étude qui démontre pour la première fois un lien de cause à effet entre l'exposition des agriculteurs aux pesticides et certains cancers du sang, que ceux-ci développent en plus grand nombre que les autres professionnels.

Jusqu'à présent, l'incidence de l'environnement sur l'état de santé des agriculteurs n'était que supposée ou évoquée. Elle n'avait jamais été attestée par des scientifiques et encore moins à un niveau moléculaire. Cette étude révèle «l'existence d'un lien de causalité avéré entre l'exposition aux pesticides et l'origine de certains cancers chez les agriculteurs», souligne la Ligue contre le cancer dans un communiqué.

L'équipe du chercheur Bertrand Nadel, du Centre d'immunologie de Marseille Luminy (CIML), a constaté que, par rapport au reste de la population, «les agriculteurs exposés aux pesticides développent dans leur génome 100 à 1000 fois plus de cellules anormales, qui peuvent ensuite éventuellement se transformer» en lymphome folliculaire (un certain type de cancer du sang).

Le repérage anticipé de ces cellules, grâce au travail du laboratoire Instabilité génomique et Hémopathies humaines du CIML, doit permettre à l'avenir «un dépistage plus précoce des individus «à risque» et donc un traitement moins invasif, sans chimiothérapie par exemple et avec des chances de rémission plus élevées», a expliqué le chercheur à l'Associated Press.

Bien entendu, les facteurs de risques évoluent en fonction des agriculteurs. Tout dépend de la classe de pesticides à laquelle ils ont recours, de la taille de leurs exploitations, de leur mode d'épandage et des doses utilisées, a ajouté Bertrand Nadel.

Interrogé sur les éventuelles implications judiciaires que pourrait avoir cette étude, le chercheur a dressé un parallèle possible avec l'affaire de l'amiante. Il a rappelé que les plaintes avaient été jugées recevables par les juristes à partir du moment où une molécule avait été identifiée comme augmentant le risque de développer la pathologie concernée.

Le lymphome folliculaire est en augmentation de 3 à 4% par an depuis une trentaine d'années et représente la cinquième cause de mortalité par cancer au niveau national. Les agriculteurs développent globalement moins de cancer que les autres professionnels. En revanche, ils sont plus souvent victimes de cancer des cellules du sang, qui touchent en moyenne des paysans âgés de 50 à 67 ans. Ce type de cancer est indolent, c'est-à-dire asymptomatique pendant longtemps, mais incurable.

La France est le premier utilisateur de pesticides (herbicides, insecticides et fongicides) en Europe et le troisième dans le classement mondial.

L'étude biomoléculaire a été réalisée ces cinq dernières années sur 144 agriculteurs exposés aux pesticides. Le CIML a travaillé en association avec les épidémiologistes du Centre François Baclesse.