La naissance d'octuplés fin janvier aux États-Unis a permis à une jeune femme de réaliser son «rêve d'une grande famille», mais a relancé le débat sur les limites à imposer aux prouesses de la science en matière d'assistance médicale à la procréation (AMP).

D'abord saluée comme un véritable miracle, la naissance de ces huit bébés -six garçons et deux filles-, a déclenché une tempête éthique qui a débordé les frontières des États-Unis, lorsque les circonstances de leur conception ont été révélées. Leur mère, Nadya Suleman, célibataire de 33 ans, avait déjà six enfants. Ses 14 enfants ont tous été conçus in vitro avec le sperme d'un donneur, dans un centre spécialisé dont elle n'a pas donné le nom.

La naissance des octuplés a soulevé une polémique dans le milieu médical, car il est parfaitement établi que les grossesses multiples comportent des risques importants d'accouchement prématuré, de faible poids des bébés et de séquelles neurologiques.

D'autant que les progrès réalisés dans les techniques d'assistance médicale à la procréation ne justifient plus d'implanter plusieurs embryons pour augmenter les chances d'obtenir une grossesse.

À leur naissance, les octuplés pesaient tous moins de 1,5 kg. Ils sont toujours en observation à l'hôpital, nourris par sonde.

«La presse a vu d'emblée dans la naissance des octuplés un événement heureux, mais une telle quantité de nouveaux-nés ne devrait jamais être considérée comme une réussite médicale», a observé Sean Tipton, porte-parole de l'American Society of Reproductive Medicine.

«Il s'agit d'un échec total, qui reflète mal notre travail», a jugé Suleena Kansal Kalra, spécialiste de l'endocrinologie reproductive à l'Université de Pennsylvanie.

«C'est la chose la plus irresponsable que j'aie jamais vue en terme de fertilité», a déclaré Peter Bowen-Simpkins, porte-parole du Collège britannique des gynécologues et obstétriciens.

Dans de nombreux pays, les techniques d'AMP sont régies par des recommandations de bonnes pratiques (nombre d'embryons implantables, âge des parents...), plutôt que des contraintes légales. Certains pays n'ont aucune limite d'aucune sorte.

En décembre dernier, une femme de 70 ans a donné naissance en Inde à son premier enfant. Quelques mois auparavant, une autre Indienne de 70 ans avait eu des jumeaux.

En septembre 2008, la naissance de triplés chez une femme de 59 ans avait suscité une controverse en France. Elle avait bénéficié d'un don d'ovocytes au Vietnam. «Mettre trois embryons, c'est une faute médicale», avait alors commenté le pionnier français de la fécondation in vitro, René Frydman.

En France l'accès aux techniques d'AMP est réservé aux couples formés d'un homme et d'une femme, tous deux vivants et en âge de procréer.

La Grande-Bretagne limite à deux le nombre d'embryons implantés à la fois. À partir de 2011, un seul embryon à la fois sera autorisé.

En Italie, les règles ont été renforcées après plusieurs cas controversés de fécondation chez des sexagénaires.

Mais il existe un véritable «tourisme de la fécondation in vitro», a expliqué à l'AFP Peter Bowen-Simpkins.

Selon lui, l'île de Chypre, en Méditerranée, est devenue le centre d'une pratique «absolument terrifiante» qui voit des jeunes femmes russes débarquées par avion pour recevoir des traitements hormonaux stimulant l'ovulation.

Aux États-Unis, les règles varient d'un État à l'autre, mais sont souvent minimales ou absentes.

Dans le cas des octuplés, le conseil de l'ordre des médecins de Californie a annoncé avoir ouvert une enquête.