Traumatisés par une attaque ou angoissés par un divorce, les soldats américains en Irak ont un recours: les «cliniques du stress du combat».

Il y en a quatre dans le pays qui rassemblent psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux et infirmiers spécialisés, dans des bâtiments spacieux où l'on peut passer quelques heures ou quelques jours, pour parler, obtenir un traitement ou simplement se reposer.

Celle de Bagdad est installée dans le camp Liberty, l'une des plus grandes bases militaires du monde, avec 50 000 hommes, près de l'aéroport.

Le commandant Kevin Gormley la commande. «La culture macho est certainement présente chez nous, où on veut toujours paraître fort et indestructible, dit-il. «Mais je vous assure que les préjugés envers ceux qui viennent nous demander de l'aide ont largement diminué».

Les études, menées par l'armée ou des organismes indépendants, sont formelles: de nombreux anciens combattants des guerres d'Irak ou d'Afghanistan présentent, à leur retour, des séquelles psychologiques.

Selon une étude du centre de réflexion américain Rand Corporation, sur les quelque 1,6 million de soldats rentrés aux États-Unis depuis 2001, 300 000 présenteraient des troubles psychologiques plus ou moins prononcés.

Selon le Pentagone, du début de l'année au 31 août, 21 soldats de l'armée de terre se sont suicidés pendant leur séjour en Irak et 39 après leur retour.

L'état-major a compris que plus les problèmes sont pris en compte et traités tôt, sur le champ de bataille, plus le pourcentage de réussite des traitements augmente, explique le commandant Gormley.

A son arrivée dans la «Combat stress clinic», chaque soldat est reçu par un psychiatre qui pose un diagnostic, prescrit éventuellement un traitement, préconise des visites régulières ou recommande un séjour sur place.

«A la guerre, il se passe des choses folles. Pas facile de supporter tout ça» explique le lieutenant Edmund Clark, l'un des psychiatres.

«Alors le stress est une réaction normale. Il est normal d'avoir peur. Une certaine dose d'anxiété est même salutaire. Notre rôle est de les aider à avoir des réactions normales à des événements stressants qui ne le sont pas».

Toute la journée des classes sont organisées. Thèmes: «La résilience - Gestion de la colère - Dépression - Comment se fixer des objectifs - Comment gérer une relation - Relaxation - Hygiène du sommeil».

S'ils résident sur la base, les soldats viennent pour la journée. S'ils sont cantonnés plus loin, ils peuvent dormir sur place, la clinique comptant 48 lits.

Si leurs officiers sont informés de leur présence et doivent donner leur aval, une confidentialité absolue est garantie aux soldats. Les gradés peuvent recommander une visite, mais elle ne peut être imposée.

Après avoir été longtemps considérées comme honteuses ou susceptibles de ralentir une carrière, les prises en charge psychologiques ne peuvent plus nuire, dit le commandant Gormley, qui assure que le haut commandement a multiplié les initiatives en ce sens.

Face à l'ampleur du problème, ses hommes vont régulièrement vers les unités, sans attendre qu'on vienne les consulter.

«Nous pouvons prendre nos sacs et les rejoindre là où ils sont. Ils s'habituent à notre présence, et le contact est plus facile».

«Mais le premier et souvent le meilleur système de soin, c'est ce qu'on appelle le Buddy system (le «pote-système»): c'est le copain, le camarade, qui te connait et voit en un clin d'oeil que quelque chose cloche. Souvent, parler avec les membres de sa patrouille suffit à faire baisser le niveau de stress», dit-il.

Sur le mur de la salle d'attente, une affiche: «Ne laisse jamais un pote combattre seul. Sois à l'écoute. Toutes les blessures ne sont pas visibles. Empêche les suicides. Il est de ta responsabilité d'obtenir de l'aide pour un camarade».