En octobre 2006, un Japonais perdu en forêt a survécu pendant 24 jours sans eau, ni nourriture. Quand on l'a découvert, sa température corporelle avait chuté de 22ºC. Il n'avait plus de pouls et ses organes fonctionnaient au ralenti, comme en hibernation. Il n'en garderait aucune séquelle. Un miracle inexpliqué. Possible, l'hibernation humaine? Les scientifiques planchent déjà là-dessus.

«La température corporelle de la chauve-souris qui hiberne baisse à 4ºC. Ses battements cardiaques passent de 400 à seulement 4 la minute. La consommation d'oxygène est réduite de 98%. Le besoin d'oxygène est si bas qu'elle peut se passer de respirer pendant 45 minutes. Elle est à peine vivante», explique le biologiste Donald Thomas, doyen de la Faculté des sciences de l'Université de Sherbrooke.

 

Cet état d'engourdissement, propre aux animaux en hibernation, serait bénéfique chez l'humain, selon les scientifiques. Des études réalisées sur des chiens, des porcs et des souris ont donné des résultats assez prometteurs: un taux de survie de 90% chez des porcs grièvement blessés.

«On ne parle pas de congeler un homme dans un bloc de glace pendant 10 ans», souligne au bout du fil le Dr Hasan Alam, professeur associé à la Harvard Medical School et chirurgien traumatologiste au Massachusetts General Hospital. Son équipe, qui a testé la technique sur des porcs, espère procéder à des essais cliniques chez l'homme dès l'an prochain. Des chercheurs de Los Angeles et Pittsburgh sont aussi dans la course.

Acheter du temps

«Notre objectif est de pouvoir réfrigérer les blessés qui, autrement, mourraient au bout de leur sang. Les blessures sont la première cause de décès chez les moins de 30 ans, c'est plus que toutes les maladies combinées», indique le Dr Alam.

Sans apport de sang oxygéné, le cerveau meurt au bout de cinq minutes. En réduisant le métabolisme par le froid, le cerveau, si l'on diminuait ses besoins, survivrait jusqu'à deux ou trois heures. «Ça laisse amplement de temps pour trouver une source de sang.» Un soldat blessé, une victime d'accident vasculaire, un patient souffrant d'une grave fièvre pourraient en bénéficier.

Abaisser la température corporelle de 1 ou 2ºC, comme on le fait couramment en cardiologie, ne suffit pas. On veut une baisse d'au moins 20 º C. «Avec la glace ou la couverture hypothermique, le corps ne refroidit pas assez rapidement. La peau n'est pas un bon conducteur. On injecte un soluté froid dans les veines. En 30 minutes, on atteint la température ciblée, soit 10 ou 15ºC», explique le Dr Alam.

En sortir gagnant

À l'Institut de cardiologie de Montréal, on procède de cette façon depuis plus de deux ans dans certains cas d'arrêts cardiaques. «On utilise un soluté standard rangé au frigo à 5ºC pour refroidir le corps des patients à 32 ou 34 º C. Ça permet une meilleure récupération cérébrale», indique la cardiologue Anique Ducharme. L'hypothermie est aussi utilisée pour préparer des patients à une intervention à l'aorte et diminuer les risques de complications. «On ne descend jamais sous 32ºC, c'est trop risqué. Le système de coagulation ne fonctionne à peu près plus et il y a des risques importants d'infection.»

«Sous 20ºC, on peut aussi s'attendre à des dommages cellulaires, un problème de régulation de la respiration et des battements cardiaques et peut-être un dysfonctionnement du système nerveux, ajoute Donald Thomas. L'hibernation humaine est probablement possible, mais ça ne sera pas facile.»

Le Dr Hasan Alam en est conscient. «Il y a des risques d'infection et d'arythmie, mais on arrive peu à peu à les réduire, reconnaît-il. Si on calcule les risques par rapport aux bénéfices, on est gagnant. On applique l'hypothermie profonde comme dernier recours chez des patients voués à la mort.»