Une nouvelle étude relance le débat sur l'utilisation des médicaments destinés à réduire le taux de cholestérol dans le sang. Une vaste enquête internationale, menée en partie par des chercheurs de l'Université McGill, révèle que la prise de statines pourrait prévenir de façon significative les risques de crise cardiaque dans une proportion importante de la population.

L'an dernier, la communauté scientifique avait émis de sérieux doutes sur les bénéfices associés à ces médicaments, qui trônent en tête des palmarès des ventes dans le monde.

Cette nouvelle étude attribue des bienfaits si importants à la prise préventive de statines qu'un comité indépendant chargé d'analyser les résultats préliminaires a ordonné l'arrêt des essais cliniques deux ans avant leur terme. «D'habitude, quand on reçoit un tel avis, c'est très inquiétant, cela peut vouloir dire qu'il y a des effets indésirables considérables, explique le Dr Jacques Genest, de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill. Cette fois, c'était l'inverse. Il aurait été non éthique de poursuivre l'étude alors qu'on connaît les bénéfices du produit et que des patients sont traités avec un placebo.»

L'enquête, menée auprès de 17 802 patients dans 27 pays, a permis de découvrir un nouveau marqueur de risque des maladies cardiovasculaires, la protéine C-réactive. Les personnes qui ont des taux élevés de cette protéine seraient plus susceptibles d'être victimes d'une crise cardiaque ou d'un accident vasculaire cérébral, même si leur taux de mauvais cholestérol n'est pas plus élevé que la normale.

Cette découverte pourrait donc modifier de façon importante les programmes de dépistage des maladies coronariennes. Santé Canada devrait étudier en janvier la possibilité de recommander aux médecins de mesurer les taux de cette protéine.

« Cela ne servirait à rien d'étendre le dépistage à toute la population, chez les personnes qui ont déjà eu une crise cardiaque, par exemple, parce qu'on sait déjà qu'elles sont à risque. Par contre, les bénéfices seraient importants pour les femmes ménopausées et les hommes de plus de 40 ans qui ont un léger surplus de poids au ventre. »

Cette découverte pourrait aussi inciter Santé Canada à recommander que la prise de statines à titre préventif soit étendue à des patients plus jeunes, dont le taux de cholestérol est normal mais le taux de C-réactive très élevé.

Selon cette enquête, la prise quotidienne de ces médicaments réduirait de 44% le risque de souffrir d'une maladie cardiaque. Le Dr Genest estime que plusieurs milliers de Québécois pourraient être visés. À 2$ ou 3$ la dose quotidienne, les compagnies pharmaceutiques, comme Astra Zeneca, qui a financé cette recherche, pourraient faire des affaires d'or.

Le New England Journal of Medicine apporte à ce sujet un bémol important dans un éditorial publié en même temps que les résultats de cette enquête. Il émet des doutes sérieux sur les bénéfices réels des traitements préventifs à base de statines. «Les directives de la prévention primaire vont certainement être réévaluées d'après ces résultats, mais la thérapie appropriée devra être établie en cherchant l'équilibre entre les bénéfices du traitement et ses effets et ses coûts à long terme.»