L'échec du vaccin expérimental anti-sida Merck, qui a entraîné davantage de nouvelles contaminations parmi les vaccinés que parmi les non-vaccinés, va permettre de mieux tester les risques éventuels d'autres prototypes de vaccins à l'étude, selon des chercheurs.

Dans le Journal of Experimental Medicine (JEM) ces chercheurs de l'Institut de génétique moléculaire de Montpellier (France) et du centre hospitalier universitaire de Lausanne (Suisse) proposent une explication de cet échec de l'essai clinique du vaccin (essai STEP) arrêté en 2007.

Le vaccin expérimental de Merck n'est pas responsable en tant que tel de la contamination par le virus du sida des volontaires, mais il a favorisé l'infection chez les personnes à risque, a expliqué à l'AFP le Dr Eric Kremer (France), co-auteur de l'étude.

Le vaccin testé sur des personnes à risque s'était servi d'un «cheval de Troie», en insérant des gènes du VIH dans un virus atténué de rhume parmi les plus communs, l'adénovirus Ad5.

Les personnes immunisées naturellement contre cet adénovirus Ad5, fabriquent des anticorps dirigés contre cet adénovirus. Le vaccin Merck aurait augmenté chez ces personnes le risque de contracter le virus du sida (VIH) par rapport sexuel non protégé.

Schématiquement les anticorps viennent se déposer sur les particules de vaccin ce qui déclenche au final la mobilisation et l'activation des lymphocytes CD4, qui se trouvent aussi être les cibles privilégiées du VIH.

«Cette mobilisation est une réaction normale pour combattre l'adénovirus, explique le Dr Eric Kremer (France). «Mais, ces cellules CD4 sont aussi la cible parfaite du VIH», ajoute-t-il.

«Le VIH n'est capable d'infecter que des cellules activées», complète Matthieu Perreau, co-auteur de l'étude, qui travaille à présent à Lausanne.

La réaction de l'organisme contre l'adénovirus modifié du vaccin a précisément activé ces cellules CD4, en faisant des cibles fantastiques pour le VIH, dit-il.

Les adénovirus, il existe une cinquantaine, sont à l'origine de rhumes, de conjonctivites, de maladies gastro-intestinales. Les muqueuses sont leur porte d'entrée lors de l'infection naturelle, relève M. Perreau.

Après la vaccination expérimentale, les cellules CD4 de défense contre l'adénovirus, mues par une sorte de phénomène de mémoire, se déplaceraient vers les muqueuses, ce qui expliquerait l'augmentation du risque de contracter le sida.

«On pourrait tester in vitro des prototypes de vaccin à base d'adénovirus, voire d'autres vecteurs (virus) cheval de Troie pour vérifier s'il n'y pas un risque comparable», avance le Dr Kremer.

Pour autant, les adénovirus comme véhicules de vaccin ne sont pas à jeter, selon cet expert. On pourrait, selon lui, envisager une modification de l'adénovirus, y compris l'Ad5, pour éviter ce problème.