Un an après l'échec d'un essai à grande échelle de vaccin antisida, la communauté scientifique, réunie la semaine dernière en Afrique du Sud, a dû redéfinir ses méthodes de recherches pour lutter contre le virus.

«Nous sommes au milieu d'un profond changement des mentalités au sein de la communauté de chercheurs et pas seulement en ce qui concerne le développement d'une drogue ou d'un vaccin», a expliqué le directeur de l'Initiative pour un vaccin antisida, Alan Bernstein, en marge d'une conférence annuelle sur le sujet au Cap.

L'année dernière, les espoirs de voir aboutir un quart de siècle de recherche ont été réduits à néant: des essais cliniques du laboratoire américain Merck, lancés à grande échelle en particulier en Afrique du Sud, pays comptant le plus grand nombre de séropositifs au monde, ont été interrompus après que les injections se furent avérées inefficaces.

Plus grave, les personnes vaccinées lors de cet essai ont été plus nombreuses à contracter le virus que celles traitées avec un placebo.

«Les résultats de Merck étaient une telle surprise, tout le monde était désarçonné», se souvient Mitchell Warren de la Coalition en faveur d'un vaccin contre le virus de l'immunodéficience humaine (VIH).

«Il ne savent toujours pas ce qui s'est exactement passé. Cet échec a obligé les gens à se tourner vers d'autres approches pour trouver un vaccin sur le sida, tellement c'était surprenant», poursuit-il.

Les vaccins développés jusqu'à présent permettent au corps humain de développer des anticorps pour neutraliser les corps hostiles ou d'attaquer les cellules contaminées pour les supprimer avant que la maladie ne se propage.

Mais le virus du sida mute rapidement, ce qui rend presque impossible la découverte d'un vaccin utilisant ces méthodes.

Selon M. Berstein, une des nouvelles approches très prometteuses implique le système d'immunité naturelle, un mécanisme de protection non spécifique qui répond aux agressions immédiates.

«On sait maintenant que nous n'avons que quelques heures en général pour arrêter la propagation du virus. C'est pourquoi l'activation de ce système d'immunité naturelle pourrait être décisive dans le cas où nous développons un vaccin», explique-t-il.

Mais, note-t-il, «personne n'aurait pensé que ce serait aussi compliqué».

Environ 30 tests cliniques sont actuellement en cours dans le monde, où 33 millions de personnes sont infectées par le virus alors que 25 millions de personnes en sont déjà mortes.

L'essai le plus important, qui porte sur 16 000 personnes, a lieu en Thaïlande depuis 2003. Les résultats, très attendus, devraient être connus l'année prochaine et donner de précieuses informations sur la pandémie.

Face aux échecs successifs pour mettre au point un vaccin, ses détracteurs ont demandé la fin des recherches, estimant que l'argent serait plus utile pour financer d'autres moyens de prévention ou traitements de la maladie.

Début août, les principaux acteurs de la recherche d'un vaccin antisida, réunis à Mexico pour la conférence mondiale sur le sida, ont cependant réaffirmé que la pandémie ne serait enrayée que par la découverte d'un vaccin préventif et non par le traitement des personnes déjà contaminées.

Et Anthony Fauci, un des principaux chercheurs des Instituts nationaux de la santé aux Etats-Unis, a donné un autre argument de poids lors de la conférence au Cap: «Historiquement, les vaccins coûtent le moins cher» à terme, car ils suppriment toutes dépenses pour traiter les maladies.