Le romancier Michael Crichton, auteur de Jurassic Park, s'est éteint quelques jours avant la nouvelle. Il aurait sûrement apprécié.

Des scientifiques américains et russes ont réussi à reconstruire plus de 80% du code génétique du mammouth, à partir de poils prélevés sur des carcasses en Sibérie.

 

Selon la revue Nature, qui publie la recherche, on s'est approché du jour où on pourra faire renaître un mammouth, en utilisant un éléphant comme mère porteuse.

C'est la première fois qu'on réussit à reconstituer l'ADN d'un animal disparu. Les derniers mammouths se sont éteints dans une île au large de la Sibérie il y a 3700 ans. Ceux sur qui on a prélevé de l'ADN sont morts il y a 20 000 ans environ.

Les scientifiques ont pu déterminer que les mammouths et les éléphants modernes sont de plus proches parents que ne le sont les humains et les chimpanzés. Ils partagent 99,4% de leur code génétique. Leurs lignées se seraient séparées il y a de 1,5 à 2 millions d'années. «Pour obtenir le génome complet et fidèle du mammouth, on devra attendre que le génome de l'éléphant soit séquencé», affirment les scientifiques.

Dans le même numéro de Nature, un article intitulé «Let's Make a Mammoth» trace le long (très long) chemin qui resterait à parcourir avant de recréer le pachyderme.

Il faudrait d'abord obtenir un génome assez «propre», libre de la contamination qui survient sur du tissu mort. En effet, les bactéries et moisissures ont envahi les cellules des mammouths et leur matériel génétique s'est mélangé à celui de l'animal mort.

Il faut pouvoir éliminer les erreurs que cette contamination provoque. Pour cela, il faut arriver à un degré de précision de 15 à 50 fois plus grand que ce qui a été obtenu cette fois-ci. Nature croit qu'il est «plausible» d'y arriver.

Ensuite, les scientifiques devront trouver comment la séquence génétique se répartit dans les chromosomes. Et pour cela, il faudrait avoir des chromosomes de mammouth intacts, ce qu'on n'a pas. «On ne sait même pas encore combien de chromosomes avaient les mammouths», dit Hendrick Poinar, généticien à l'Université McMaster, en Ontario.

Même si on a réussi à cloner des souris à partir de chromosomes qui ont été congelés pendant 16 ans à moins 20 degrés dans un congélateur stérilisé, on est loin de la situation des mammouths: 20 000 ans dans le sol plus ou moins gelé, à des températures qui n'empêchent pas nécessairement l'activité microbienne.

Une fois le code génétique reconstitué, il faut le synthétiser. Et là aussi il faudra faire des pas de géant. La plus longue synthèse réussie à ce jour est celle du code génétique d'une bactérie qui comptait 582 970 «lettres». Celui du mammouth en compterait 8000 fois plus. Les possibilités d'erreur sont multipliées d'autant.

Une fois les chromosomes synthétiques obtenus, il faut les insérer dans le noyau d'une cellule. Mais cela n'a pas encore été réussi dans le cas de mammifères.

Il resterait de toute façon un obstacle: obtenir l'ovule d'un éléphant femelle. Et Nature nous apprend que c'est plus difficile qu'on le pense. La seule façon envisageable actuellement est de prélever les ovules d'une éléphante morte.

Avec tous ces risques d'erreur, on serait loin de ressusciter l'espèce. Le mammouth artificiel serait tout juste assez bon pour montrer comme curiosité dans une foire, affirme Nature. «C'est le plus que je peux m'imaginer voir de mon vivant», dit Svante Pääbo, 53 ans, de l'Institut Max Planck, à Leipzig, en Allemagne.