Imaginez des centaines de bâtons de popsicle minutieusement assemblés par des élèves pendant des dizaines et des dizaines d'heures. Imaginez maintenant une impitoyable presse hydraulique qui vient écraser le fruit de tout ce travail sous les cris d'une foule. Ça donne une idée de l'atmosphère qui règne au concours PontPop, dont le premier volet se déroulait hier à l'École de technologie supérieure.

Alors que les Québécois attendent toujours leur nouveau pont Samuel-De Champlain, 48 équipes du secondaire de partout au Québec, elles, ont respecté leur échéancier. Pont en main, elles se sont présentées hier au concours PontPop, organisé par le Réseau technoscience.

Première étape : faire évaluer leur oeuvre par des juges selon des critères de qualité d'exécution, d'esthétisme et d'originalité. Leur pont devait avoir été entièrement fait de bâtons de popsicle, de cure-dents et de soie dentaire. Seul liant accepté : la colle blanche de marque Lepage.

Mais c'est en après-midi que les choses sérieuses ont commencé : les tests de résistance sous presse hydraulique. À mesure que la charge augmentait, on pouvait entendre les ponts craquer et voir les visages se tendre. Certains ponts se sont graduellement déformés et affaissés, alors que d'autres ont souffert de poutres ou de piles brisées. D'autres encore ont encaissé la charge sans broncher avant d'exploser d'un coup. Après avoir vu leur pont défaillir, ceux dont l'ouvrage était toujours debout pouvaient choisir : sauver le pont ou le voir pulvérisé sous la presse.

« Destroy ! », criaient dans ce dernier cas les 186 élèves présents devant un spectacle de démolition aussi irrésistible et qu'exutoire. Le concours, qui en est à sa 17e édition, vise à stimuler le goût des jeunes pour le génie.

« C'est décevant. On s'attendait à mieux », a commenté Raphaël, du séminaire Sacré-Coeur, à Grenville, venu avec ses coéquipiers Corinne, Béatrice, Jean-Philippe et Xavier. La veille du concours, les élèves de cinquième secondaire s'étaient rendu compte que leur pont était trop haut pour se conformer aux règlements. Ils ont dû le scier en catastrophe, modifiant complètement son design. L'ouvrage, baptisé « Bob l'é-pont-ge », a tout de même encaissé une charge de 282 kg - comme si trois ou quatre adultes étaient montés dessus.

Espoirs et déceptions

Les filles de l'école Louis-Joseph-Papineau, elles, ne décoléraient pas. Les responsables du concours ont arrêté la presse au chiffre fort honorable de 1703 kg, quand un montant mineur a rompu à la base du pont. Elles ont rappelé (avec raison ?) que le règlement définit la charge de rupture comme celle entraînant « un bris important qui empêche toute augmentation significative de la charge ».

« On travaillait là-dessus depuis novembre, a expliqué, déçue, Fadneïka Dieula Dieujuste. Chaque midi, on allait faire le pont. Le mardi, on restait une heure après l'école. Parfois, on venait même pendant les jours de congé. » Le groupe, qui compte aussi Soukaina Berdaoui, Nishad Rahman, Sotheavina Ker et Phoebe-Faith Qiu, avait minutieusement étudié les designs gagnants des précédentes éditions et jeté son dévolu sur une structure « en double A ». Notons que pour varier le défi, les responsables appliquaient cette année la charge en deux points du tablier plutôt qu'un seul comme lors des éditions précédentes.

Le pont le plus solide a été celui de l'équipe Les Ponthères Roses, de l'École internationale de Montréal. Mais en considérant tous les critères, c'est l'équipe « Demande à Sophie », de l'école secondaire Georges-Vanier, qui s'est glissée en première place.

Aujourd'hui, ce sont neuf équipes du cégep qui s'affronteront à l'ÉTS. Ne reste qu'à espérer que les haubans de soie dentaire et les travées de petits bâtons auront incité quelques jeunes à bâtir les infrastructures routières du futur. Et que celles-ci ne connaîtront pas le même sort que certains des ponts qui se sont effondrés hier.