L'ordinateur a vaincu les échecs et le go. Mais jamais un robot n'avait affronté l'assemblage d'un meuble IKEA. C'est maintenant chose faite, grâce à des ingénieurs de Singapour.

La chaise

Il s'agit d'une chaise Stefan en kit. « Nous avons choisi la chaise parce qu'elle n'est pas très compliquée à monter pour un humain », explique Pham Quang-Cuong, de l'Université technologique Nanyang, à Singapour, qui est l'auteur principal de l'étude publiée en avril dans la revue Science Robotics. Les roboticiens ont assemblé deux bras robotisés distincts avec des composants qu'on peut trouver dans les magasins spécialisés d'électronique. Ils ont mis en moyenne 20 minutes à assembler la chaise, dont plus de la moitié pour en identifier les différents morceaux. C'est de deux à trois fois plus lent qu'un humain, selon M. Quang-Cuong.

Sur la vidéo suivante, quelques tentatives ratées des bras robotisés des chercheurs.

Les étapes de construction

« Nous avions indiqué aux robots les étapes de construction, un peu comme un humain va lire les instructions avant de se mettre à l'assemblage, et les chevilles étaient alignées verticalement pour faciliter leur identification par les caméras des robots. » Pourquoi une si piètre performance, à l'heure de la suprématie informatique dans des jeux complexes comme les échecs ? « On peut supposer que l'humain a peu d'expérience, comme espèce, dans des activités intellectuelles comme les échecs, alors que cela fait des dizaines de milliers d'années que nous peaufinons notre motricité fine. » D'autres commentaires sur l'étude par des roboticiens ont souligné qu'il est facile pour un logiciel de simuler des millions de parties d'échecs, alors que l'assemblage d'une chaise prend davantage de temps.

La prochaine phase du projet

La prochaine étape est de ne pas donner d'instructions aux robots. « Nous allons leur montrer des vidéos d'humains qui assemblent une chaise, ils devront apprendre à le faire par imitation, dit Pham Quang-Cuong. Ultimement, d'ici cinq ou six ans, nous devrions être capables d'avoir un robot qui, face à une chaise en pièces détachées, comprend comment l'assembler, sans instructions ni instructeur. » Le laboratoire du roboticien d'origine vietnamienne utilise ce projet pour concevoir de meilleurs robots assembleurs de pare-brise pour l'industrie automobile et perceurs de feuilles de métal pour les usines aéronautiques.

La réaction d'IKEA

Des représentants d'IKEA sont entrés en contact avec Pham Quang-Cuong pour le féliciter de ses résultats. « Pour eux, l'objectif n'est pas d'aider le client à assembler des meubles, ça irait à l'encontre de leur modèle d'affaires de bas prix. Ils sont par contre intéressés à rapatrier la production en Scandinavie en se servant de robots. »

Le chercheur

Pham Quang-Cuong est la preuve que les guerres d'Indochine et du Viêtnam n'ont pas effacé complètement l'héritage du colonialisme français. « Je suis né à Hanoï, mais mon père a toujours gardé de bonnes relations avec ses anciens amis français, a-t-il expliqué depuis Singapour. Je suis allé étudier à Paris pour l'université et j'ai eu mon doctorat en neurosciences en 2009. » Par la suite, il a étudié et travaillé au Brésil et au Japon, avant d'être embauché par son université de Singapour en 2013. En 2016, son laboratoire est arrivé deuxième à un concours de robotique d'usine organisé par Airbus, le « Challenge Shopfloor ».

***

NOMBRE DE ROBOTS INDUSTRIELS PAR 10 000 EMPLOYÉS D'USINE 

• Canada : 136

• Corée du Sud : 531

• Japon : 305

• États-Unis 76 

• Chine : 25

Source : Fédération internationale de robotique