Détecter des planètes inconnues, décrypter des protéines, comparer des génomes ou transcrire des papyrus grecs: alliés à l'internet, l'oeil et le cerveau humains peuvent accomplir des exploits qui défient les ordinateurs les plus performants.

Recourir à des amateurs pour faire progresser la science n'est pas une idée nouvelle. Mais pendant longtemps, la science «participative» a joué sur le seul effet de masse, se bornant à demander à des bénévoles de compter les papillons dans leur jardin ou de recenser les oiseaux en forêt.

L'arrivée de l'internet a changé la donne et démultiplié l'impact de la «science citoyenne».

«Les gens ont des capacités de raisonnement dans l'espace bien supérieures à celle des ordinateurs», résume Seth Cooper, l'un des créateurs de Foldit, sorte de Rubik's Cube génétique développé en 2008 visant à trouver comment une molécule se «plie» en trois dimensions pour donner naissance à une protéine.

«En combinant les jeux, la science et l'informatique, on parvient à des avancées qui n'étaient pas envisageables jusqu'alors», ajoute-t-il.

Les adeptes de Foldit ont récemment réussi en trois semaines à décoder la structure d'une enzyme proche de celle du virus du sida, énigme qui tenait en échec les scientifiques depuis plus de dix ans.

En 1999 déjà, Seti@home demande l'aide des internautes pour identifier d'éventuels signaux d'intelligence extraterrestre. Mais il s'agit encore d'une participation «passive»: l'internaute se contente de mettre à disposition son ordinateur qui travaille en réseau.

Il faudra attendre Galaxy Zoo, en juillet 2007, pour exploiter pleinement les capacités de reconnaissance visuelle de l'être humain et les phénoménales possibilités de partage de données de l'internet.

Le projet est destiné à aider les astronomes à classer un million de galaxies à partir des photos prises par un télescope. L'initiative connaît un tel succès que 24 heures après son lancement, le site reçoit déjà 70 000 classifications par heure!

Une réussite telle qu'elle a inspiré une nébuleuse de projets fondés sur le même principe: «Moon zoo» pour les cratères de la Lune, «Solar stormwatch» pour l'activité solaire, «Icehunters.org» pour traquer la glace dans l'espace...

Des projets centralisés sur le site Zooniverse.org -plus de 470 000 membres- qui débordent maintenant le cadre de l'astronomie.

Sur «Ancient lives», l'internaute transcrit des fragments de papyrus égyptiens rédigés en grec ancien tandis qu'avec «Old Weather», il aide les climatologues à affiner leurs modèles en recopiant les relevés météo effectués par les marins de la Navy britannique au début du siècle dernier.

«Si je transcris le livre de bord d'un navire, je peux facilement me tromper. Mais si vous aussi vous le transcrivez, de même que trois ou quatre autres personnes, alors, à nous tous, nous obtiendrons probablement le bon résultat», explique Arfon Smith, informaticien de l'université d'Oxford associé au projet.

Un travail de copiste qui joue sur le nombre de participants, mais aussi sur le fait que l'oeil humain bat à plates coutures le meilleur des logiciels de reconnaissance optique.

D'autres projets ont prolongé cette démarche en lui ajoutant une dimension ludique.

Phylo, un jeu qui rappelle le classique Tetris, a ainsi transcrit sous forme de carrés de couleurs les nucléotides qui composent l'ADN. À charge pour le joueur de les regrouper de façon à laisser le moins d'interstices possibles, en tentant de battre le score de l'ordinateur.

Quel intérêt pour la science? L'air de rien, le joueur qui arrive à résoudre ces puzzles aide les biologistes à comparer l'évolution du génome de différentes espèces et à remonter à la source de certaines maladies.

«En prenant des données qui ont déjà été traitées par un algorithme, nous permettons à l'utilisateur de réussir là où l'ordinateur a buté», assurent ses concepteurs.