En 2009, le technicien d'un laboratoire de physique des particules en Italie a affirmé avoir détecté plusieurs jours à l'avance le séisme qui allait dévaster la ville de L'Aquila en avril. Il a rapidement été désavoué par les organismes de sismologie de plusieurs pays. Son histoire illustre le mur auquel se heurtent les spécialistes des tremblements de terre depuis deux siècles et demi: il n'a pas jusqu'à maintenant été possible d'identifier les signes avant-coureurs des séismes.

«En théorie, on pourrait arriver à les détecter», explique Shaocheng Ji, ingénieur géologique à l'École polytechnique. «Mais il faudrait étudier des sites pendant des dizaines d'années, voire un siècle, ou alors creuser à des dizaines de kilomètres sous la terre pour y installer des capteurs. Le plus profond où nous sommes arrivés est 12 kilomètres, en Russie pendant la Guerre froide, alors que l'épicentre des tremblements de terre se trouve au moins à une vingtaine de kilomètres sous la surface. Il faudrait probablement refaire le travail pour chaque faille, parce qu'il serait étonnant qu'on en arrive à trouver un modèle qui s'applique partout. Ça coûterait beaucoup, beaucoup trop cher. Mieux vaut resserrer les codes de construction pour rendre les immeubles résistants aux séismes.»

Normes antisismiques

Justement, le Japon est le pays aux normes antisismiques les plus sévères, selon M. Ji. «Si le séisme avait eu lieu ailleurs, en Chine ou en Inde, il y aurait eu beaucoup plus de morts», dit M. Ji, qui a notamment travaillé au Séchouan après le tremblement de terre de 2008 - dans certaines villes, les deux tiers de la population étaient alors morts et 80% des édifices s'étaient écroulés. «Les édifices modernes au Japon peuvent supporter un séisme d'une magnitude de 7 sans dommage et d'une magnitude de 8 sans s'écrouler. Ils sont dotés de mécanismes d'absorption d'énergie, comme des zones tampons entre les étages, et sont conçus pour supporter les oscillations.»

Les normes japonaises sont sévères parce que le risque sismique est rigoureusement mesuré et appliqué aux demandes de construction, selon Lucia Tirca, ingénieure civile de l'Université Concordia qui est spécialisée en construction antisismique et a étudié trois mois au Japon. «Les normes sont essentiellement les mêmes qu'ici, mais le risque sismique est plus élevé, alors les édifices sont plus résistants, dit Mme Tirca. Il y a aussi beaucoup d'exercices d'évacuation et un excellent système de communication d'urgence avec des haut-parleurs.»

Depuis Lisbonne

L'évaluation du risque sismique, une discipline qui date du Siècle des lumières, après le séisme et le tsunami qui ont dévasté Lisbonne en 1755, dépend exclusivement du catalogue historique des séismes, indique Ann Darbyshire, sismologue à l'UQAM. «On évalue le taux d'occurrence pour une région donnée. On ne peut pas vraiment tenir compte des séismes dans les régions adjacentes, parce qu'il n'y a pas moyen de calculer l'effet de contagion.»

Les répertoires pourraient devenir caducs avec les changements climatiques. «Certains chercheurs ont noté que le réchauffement de la planète, et particulièrement les extrêmes climatiques, augmente la fréquence des séismes, dit Mme Tirca. On ne sait pas trop pourquoi ni s'il y a un lien de cause à effet. Mais pensez à la récente succession du Chili, de la Nouvelle-Zélande et du Japon: c'est frappant.»