L'humain modifie le cycle de l'azote: voilà, a priori, un piètre titre pour attirer l'attention. Et pourtant, il s'agit d'une démonstration de l'impact qu'a la surpopulation, une démonstration plus éloquente encore qu'avec le gaz carbonique (CO2).

L'azote, soulignent les auteurs d'une recherche récente, est l'un des six éléments nécessaires à la vie. Autrement dit, nous ne pouvons pas vivre sans lui. Avec l'hydrogène, le carbone, l'oxygène, le phosphore et le soufre, l'azote forme toutes les «briques» de la vie: protéines, acides nucléiques, gras, etc.

L'étude en question, parue en octobre dans Science, ne dit pas que l'azote va disparaître. Il est là depuis au moins 2 milliards et demi d'années et il est là pour de bon. Mais son cycle, qui dépendait largement, pendant ces milliards d'années, des bactéries, peut être altéré. La main de l'homme y parvient d'une façon qu'on peut à présent mesurer.

«En fait, aucun phénomène n'a probablement eu un plus grand impact sur le cycle de l'azote, depuis 2 milliards et demi d'années, que l'entrée de l'homme dans le cycle», explique Paul Falkowski, de l'Université Rutgers.

Parce que 7 milliards de bouches à nourrir, et 9 milliards dans une quarantaine d'années, ça nécessite beaucoup de légumes, donc, beaucoup d'azote dans le sol (on appelle cela de l'engrais!). Au terme de son cycle, une partie de cet azote s'évapore dans l'air. Une partie s'en va par ruissellement jusqu'aux rivières et de là dans les océans, où il entraîne une croissance accrue des algues - qui bouffent du coup trop d'oxygène et entraînent la mort des poissons. Il est estimé que jusqu'à 60 % de l'azote destiné aux plantes va ainsi se perdre dans l'eau.

Quant à l'azote qui se retrouve dans l'air, une partie devient de l'oxyde nitrique, un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO2, et un ennemi de la couche d'ozone.

Il est possible d'atténuer les dégâts en utilisant plus efficacement l'engrais - par exemple, en choisissant avec plus de soin le moment de l'année où on l'étend, en pratiquant une rotation des cultures qui permet de maximiser l'azote déjà présent dans le sol, etc. Ce qui est étonnant, notent les auteurs, c'est que toutes ces solutions sont connues et que la responsabilité de l'azote dans l'explosion des algues est elle aussi connue, depuis plusieurs années.

> The Evolution and Future of Earth's Nitrogen Cycle (Science)

> Le communiqué de presse de la National Science Foundation

> Move Over, Carbon, Humans Are Jolting Nitrogen, Too (New York times)