Les biologistes ne l'auraient pas cru possible il y a peu, mais ils commencent vraiment à observer des preuves de l'impact du réchauffement climatique. La vie peut évoluer plus vite qu'on ne le croyait. Mais il ne lui suffit pas d'aller de A vers B.

Des écureuils roux du Canada qui s'accouplent en moyenne 18 jours plus tôt, au printemps. Des grenouilles d'étangs du Connecticut qui ont déjà commencé à diverger de leurs cousines naissant dans des étangs moins ensoleillés. Un moustique qui pond ses oeufs dans une plante carnivore et dont la larve, à la naissance, se nourrit des insectes morts à cet endroit - cet insecte, désormais, pond ses oeufs plus tôt et la plante éclot plus vite qu'il y a 25 ans.

Mais l'évolution n'est pas toujours aussi linéaire qu'elle en donne l'impression, écrit le journaliste Carl Zimmer dans une publication de l'Université Yale. Parfois, oui : la hausse des températures peut être directement associée à un changement : «ce que nous avons observé était exactement ce que le modèle théorique prédisait», lui explique Arthur Weis, qui a établi que la plante à moutarde grandissait moins, produisait moins de fleurs et que celles-ci apparaissaient huit jours plus tôt, par rapport aux années 1990.

Mais souvent, c'est plus compliqué que ça. Le cas des écureuils roux, par exemple. S'ils se reproduisent 18 jours plus tôt, ce n'est pas juste parce qu'ils apprécient mieux la température. Les biologistes constatent que, même lorsqu'une population s'adapte génétiquement, la sélection naturelle peut produire une population plus faible, et non plus forte. C'est le cas des écureuils, c'est aussi celui d'une brebis d'Écosse : jadis, les premières-nées, traditionnellement plus chétives, ne survivaient pas aux hivers rudes. Aujourd'hui, températures plus clémentes aidant, elles survivent... avec pour résultat que la taille moyenne de la population de brebis a diminué de génération en génération, au cours des dernières décennies.

Et il y a un autre problème avec l'évolution : c'est qu'elle prend son temps. Tous ces cas ne sont que la pointe de l'iceberg. Bien que certaines espèces puissent évoluer rapidement, explique Andrew Hendry, de l'Université McGill, la plupart pourraient «ne pas évoluer assez vite pour éviter l'extinction».