Les personnes âgées qui veulent améliorer leur mémoire et leur attention devraient commencer à jouer à Super Mario.

Il ne reste simplement qu'à les convaincre de s'asseoir devant la console.

« On sait que les activités stimulantes cognitivement ont un effet sur notre cerveau et on a observé qu'on est moins à risque d'Alzheimer si on a une vie qui est stimulante intellectuellement, a expliqué la docteure Sylvie Belleville, la directrice scientifique du Centre de recherche de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal. La mémoire est plus en santé quand on vieillit. »

La docteure Belleville et son équipe ont voulu savoir si les jeux vidéo et la réalité virtuelle pourraient être exploités pour améliorer la qualité de vie des personnes vieillissantes.

Des études précédentes avaient décelé des différences au niveau cérébral chez les jeunes qui étaient de grands amateurs de jeux comme Super Mario, Angry Birds ou Call of Duty. Une facette demeurait toutefois nébuleuse : est-ce que ces jeunes développaient ces différences en jouant, ou bien étaient-ils attirés par ces jeux parce qu'ils possédaient déjà ces différences ?

La docteure Belleville a donc recruté des personnes âgées qui ont été divisées aléatoirement en trois groupes : un groupe qui jouait aux jeux vidéo, un groupe qui apprenait le piano par logiciel et un troisième groupe qui ne faisait rien - et c'est là que ça s'est compliqué.

« On a eu beaucoup, beaucoup de mal à intéresser les personnes âgées à Super Mario. Ça a été très difficile. On a perdu plusieurs de nos participants. Ils voulaient tous aller en musique, a dit Mme Belleville. Mais ce n'est pas la technologie, parce que l'enseignement était aussi fait par un logiciel. C'est parce que la musique, ça les intéressait, mais les jeux vidéo, ils n'ont aucun intérêt pour ça ! »

Éventuellement, on a demandé à des personnes âgées de 55 à 75 ans qui ne jouaient pas du tout aux jeux vidéo d'y jouer 30 minutes par jour, cinq jours par semaine, pendant six mois. Super Mario a été choisi, car c'est un jeu qui demande beaucoup d'exploration spatiale, dans lequel les gens se baladent dans différents univers.

Les chercheurs ont constaté une amélioration de la mémoire et de l'attention des personnes âgées qui ont joué à ce jeu. Ils ont aussi mesuré un agrandissement de l'hippocampe - une région du cerveau étroitement impliquée dans la mémoire, la mémoire spatiale et l'exploration spatiale - et une augmentation d'une région du cerveau associée au contrôle et à l'attention visuelle.

L'effet observé chez le groupe de la musique était davantage au niveau auditif.

« J'ai été très surprise, mais j'ai aussi été ravie, parce que ça montre bien la plasticité cérébrale dans le vieillissement, a réagi la docteure Belleville, qui enseigne aussi au département de psychologie de l'Université de Montréal. C'est certain que jouer à ce type de jeu a un effet sur le cerveau, même quand on est plus âgés. Et c'est intéressant parce que ça montre que c'est quand même un effet assez spécifique. On n'a pas un effet global sur tout le cerveau. »

« On pense que [...] des activités cognitivement stimulantes [...] créent des réseaux, ça façonne notre cerveau, et ça fait en sorte que quand arrive une maladie, ou quand arrive le vieillissement normal, on a plus de réserves pour combattre, on est capable de recruter des régions différentes, a-t-elle ajouté. On a un cerveau plus actif, plus plastique, qui fait en sorte que les changements dans notre cerveau auront moins d'impact sur notre comportement. La maladie d'Alzheimer est peut-être là, mais elle n'a pas autant d'effet. »

La docteure Belleville et son équipe ont également mis à l'essai un jeu plus « sérieux » qui avait été développé spécifiquement pour entraîner le multitâches, une des capacités qui diminue avec l'âge. Le multitâches, rappelle-t-elle, est important puisqu'on l'utilise constamment, par exemple quand on se balade dans la rue en même temps qu'on cherche notre carte de transport en commun.

« On a obtenu des résultats incroyables autant chez les personnes âgées que chez les personnes à risque d'Alzheimer, a dit Mme Belleville. Ils augmentent leur attention divisée, ils sont plus flexibles dans leur capacité à allouer leur attention et ils augmentent l'activation d'une région du lobe frontal impliquée dans le multitâches. »

Les chercheurs ont enfin exploité la puissance de la réalité virtuelle pour mesurer la cognition d'une manière « plus proche de la vraie vie ». Ils ont ainsi créé une boutique dans laquelle le sujet doit faire des achats, ou encore une balade en voiture pendant laquelle il doit donner des instructions au conducteur. Ils ont constaté que c'est un bon reflet des capacités de mémoire, bien plus que les listes de mots aléatoires qu'on demande habituellement aux gens de mémoriser et de régurgiter.

« Il y a beaucoup de potentialité au niveau thérapeutique, a assuré la docteure Belleville. On développe des programmes que les personnes âgées peuvent utiliser pour prévenir le déclin des fonctions cognitives. Notre espoir est que si on prévient le déclin cognitif, peut-être qu'on pourrait prévenir l'impact de la maladie l'Alzheimer dans la vie des personnes. »