Les Monarques, grands papillons orange et noirs, sont célèbres pour leur migration annuelle du Canada jusqu'au Mexique. Des biologistes ont trouvé dans leurs gènes le secret de ce phénomène spectaculaire, vieux de deux millions d'années, mais aujourd'hui menacé.

Les résultats de l'étude génétique publiée mercredi dans la revue Nature «modifient tout notre mode de pensée sur ces papillons», a déclaré Marcus Kronforst, de l'Université de Chicago, son auteur principal.

On a cru notamment que le Monarque (Danaus plexippus) était issu d'espèces tropicales non migratrices. L'étude de l'équipe de Marcus Kronforst montre au contraire qu'il est originaire d'Amérique du Nord et a été d'emblée migrateur.

Aujourd'hui, le Monarque est essentiellement une espèce d'Amérique du Nord, mais il a aussi essaimé dans le sud du continent, aux îles Canaries, aux Açores, en Australie, en Nouvelle-Zélande...

Fait intéressant pour les biologistes : seuls les Monarques d'Amérique du Nord migrent.

C'est même ce phénomène étonnant, outre ses splendides ailes orangées bordurées de noir, qui confère au Monarque sa célébrité.

Chaque année, à l'automne, des millions de papillons Monarques quittent le Canada pour migrer, en passant par les États-Unis, vers les forêts de la région mexicaine du Michoacan. Un périple d'environ deux mois et qui peut atteindre 5000 km.

Au printemps, ce sont leurs descendants, sur plusieurs générations - car ils se reproduisent pendant le voyage - qui réaliseront le trajet du retour vers le nord.

Pour tenter de percer les secrets du Monarque, l'équipe de Marcus Kronforst a comparé le génome de 101 papillons du monde entier.

35 millions de migrants 

Alors que la migration est généralement considérée comme un comportement complexe, les biologistes ont identifié un gène unique, qui apparaît jouer un rôle central dans le comportement migratoire du Monarque. Il s'agit d'un gène impliqué dans la formation et le fonctionnement des muscles qui servent à voler.

«Chaque fois que les papillons ont perdu leur comportement migratoire, ils ont changé exactement de la même manière, au niveau de ce gène», a expliqué Marcus Kronforst.

Les biologistes ont découvert que les Monarques migrateurs consommaient moins d'oxygène et avaient un métabolisme en vol significativement réduit, comparativement aux Monarques non-migrateurs. Ces différences augmentent vraisemblablement leur faculté à voler sur de longues distances.

Les chercheurs ont par ailleurs établi qu'un gène unique, là encore, contrôlait la coloration orange de ce papillon. Ce gène n'avait jamais auparavant été impliqué dans la coloration d'insectes.

Pour arriver à ce résultat, ils ont comparé le génome de Monarques aux couleurs habituelles, orange et noir, avec celui d'une petite population de Monarques, essentiellement trouvée à Hawaï, qui a des ailes blanches et noires.

L'équipe a enfin commencé à reconstituer l'histoire de ce papillon.

«Notre meilleure hypothèse pour le moment est que l'origine du Monarque remonte à environ deux millions d'années», a indiqué Marcus Kronforst. Originaires d'Amérique du Nord, ils se seraient dispersés en Amérique Centrale et en Amérique du Sud il y a quelque 20 000 ans. Ils auraient ensuite traversé l'Atlantique et le Pacifique il y a 2000 à 3000 ans, plus tôt qu'on ne le pensait jusqu'à présent.

Il y a une semaine, des experts mexicains ont tiré la sonnette d'alarme sur le risque de voir disparaître la migration des papillons Monarques, en raison de l'utilisation de pesticides sur leur parcours.

«Nous pourrions être les témoins de la fin d'un formidable phénomène biologique, que ces petits insectes ont mené à bien chaque année pendant deux millions d'années», a mis en garde Marcus Kronforst.

Au milieu des années 1990, c'est un milliard de Monarques qui migraient depuis l'Amérique du Nord jusqu'au Mexique. L'année dernière, ils n'étaient plus que 35 millions.