Deux ans après avoir découvert le désormais fameux boson de Higgs, les physiciens du monde entier continuent à tenter de préciser la nature exacte de l'insaisissable particule, espérant ainsi percer les secrets de l'Univers.

Mais plus ils en apprennent au sujet du boson, plus il ressemble au portrait esquissé pour la première fois voici tout juste 50 ans. Et moins les scientifiques ont de chances d'expliquer les questions laissées en suspens par le «Modèle standard» qui définit actuellement les lois de la physique: matière noire, énergie sombre, gravité, etc.

Insaisissable, car extrêmement instable, le boson de Higgs est considéré comme la clef de voûte de la structure fondamentale de la matière, la particule élémentaire qui donne leur masse à de nombreuses autres.

Son existence avait été postulée pour la première fois en 1964 par Peter Higgs, François Englert et Robert Brout, aujourd'hui décédé. Higgs et Englert ont reçu le prix Nobel de physique 2013 pour leurs travaux.

Les chercheurs du Cern et leurs collègues ont beau avoir identifié le boson, 50 ans plus tard, certaines de ses caractéristiques les laissent toujours perplexes: ils ne comprennent pas comment il ne peut avoir une si petite masse, pas plus que le rôle qu'il a pu jouer dans l'émergence de l'Univers dans les premiers instants suivant le Big Bang.

À partir de 2015, les physiciens travaillant au LHC (Grand collisionneur de hadrons) près de Genève vont mener de nouvelles expériences avec une puissance de feu presque doublée. Et ils comptent bien observer des comportements insolites chez le boson, un peu trop sage au goût de certains.

Si une anomalie quelconque était détectée sur le Higgs, «nous aurions une très bonne indication de l'existence d'une physique au-delà du Modèle standard», assure à l'AFP Dave Charlton, qui dirige l'expérience Atlas au LHC.

«Cela pourrait nous aider à lever de nombreux autres obstacles auxquels la physique se heurte actuellement».

Physique 2.0 ?

Car le puzzle du Modèle standard a beau être désormais complet, il n'explique pas l'existence de la matière noire ou de l'énergie sombre, qui à elles deux forment 95% de l'Univers! Et ce modèle n'explique pas non plus la gravité ou la théorie générale de la relativité énoncée par Einstein.

Certes, des théoriciens ont proposé une kyrielle de théories alternatives comblant ces lacunes, à l'instar de la «supersymétrie» qui postule l'existence d'un «partenaire» pour chaque particule. Mais aucun signe de supersymétrie n'a pour l'instant été aperçu au LHC, le plus grand accélérateur de particules du monde.

«Les caractéristiques du boson de Higgs que nous avons observées, comme sa masse, ses interactions, sa durée de vie, constituent des contraintes très fortes» qui empêchent de dépasser le cadre du Modèle standard, souligne Valya Khoze, spécialiste de la physique des particules à l'université britannique de Durham.

Ceux qui prêtaient au boson un profil plus exotique pour expliquer certains phénomènes en sont pour leurs frais : «certaines théories qui étaient auparavant privilégiées doivent à présent être réévaluées, modifiées, voire totalement invalidées», souligne M. Khoze.

Beaucoup attendent donc des futures expériences du LHC qu'elles jettent les bases d'une physique 2.0, tête de pont pour aller plus loin. Et ils rêvent de trouver enfin des particules inconnues.

«Toutes les particules du Modèle standard ont à présent été découvertes», précise Dave Charlton.

«Si nous voyons d'autres particules, alors c'est quelque chose de nouveau (...) Elles vont nous montrer la voie vers autre chose, qu'il s'agisse de supersymétrie ou d'une autre théorie», insiste-t-il. «Cela nous dira que le Modèle Standard est bancal, qu'il y a autre chose».

Pour Themis Bowcock, physicien à l'université de Liverpool, la confirmation de plusieurs prédictions du Modèle standard au cours des deux dernières années a tout de même servi à mieux cerner ce qui reste à découvrir.

«Cela nous permet de prendre du recul et de voir plus précisément les limites de nos connaissances. Nous nous rendons compte que nous avons relevé les défis les plus immédiats. Mais, comme le navigateur du XVe siècle, nous avons envie de nous aventurer en terre inconnue pour découvrir les 95% restants, le Nouveau monde», lance le chercheur.