La diversité microbienne est à la biologie ce que la matière noire est à l'astronomie: une équipe de chercheurs a identifié 201 génomes de micro-organismes unicellulaires, levant un coin du voile sur ce monde omniprésent, mais invisible.

Eddy Rubin, directeur de l'Institut de génomique du Département américain de l'énergie (DOE JGI), organisme qui a piloté la collaboration internationale, n'hésite pas à comparer les résultats à l'expédition Lewis et Clark, première traversée vers l'Ouest américain. Ils sont publiés dimanche dans la revue Nature.

«Les microbes sont les formes les plus abondantes et diversifiées de la vie sur Terre», a pour sa part déclaré Tanja Woyke, responsable du Programme microbien au DOE JGI. Ils sont présents du plus profond des océans au désert le plus aride. Mais les données génomiques sont rares, parce que la grande majorité d'entre eux n'a pas encore été cultivée en laboratoire.

Cette campagne d'exploration de la «matière noire microbienne» a ciblé des cellules microbiennes jamais cultivées de neuf habitats différents: le lac Sakinaw au Canada; la lagune d'Etoliko en Grèce; un centre de traitement des boues au Mexique; le golfe du Maine, dans l'Océan Atlantique; au large de la côte nord d'Oahu, à Hawaii; le Gyre subtropical de l'Atlantique sud; la dorsale Est-Pacifique; la mine de Homestake, aux États-Unis; et Great Boiling Spring, aux Etats-Unis.

Les chercheurs ont trié 9000 cellules, à partir desquelles ils ont pu identifier 201 génomes distincts, qui pourraient se ranger en 29 grandes branches jusqu'ici inexplorées de l'arbre de la vie.

«Nous avons interprété des millions de ces bribes d'information génétique comme des étoiles lointaines dans le ciel nocturne, en essayant de les aligner en constellations reconnaissables», a expliqué Tanja Woyke.

 

Les chercheurs ont aussi mis en évidence plusieurs caractéristiques inhabituelles. Ils ont notamment observé chez des archéobactéries des caractéristiques observées auparavant uniquement chez des bactéries et vice-versa. «Nous découvrons aujourd'hui des caractéristiques métaboliques inattendues qui élargissent notre compréhension de la biologie et défient les frontières établies entre les domaines de la vie», a expliqué la chercheuse.

«Il reste encore une quantité phénoménale de la diversité à explorer», a-t-elle cependant souligné. «Rien que pour tenter de saisir la moitié de toute la diversité phylogénétique actuellement connue, nous devrions séquencer 20 000 génomes supplémentaires», a-t-elle relevé.