On est bien peu de chose, finalement. En 1485, un roi d'Angleterre légendaire meurt au champ de bataille. Cinq cents ans plus tard, son squelette tordu est retrouvé sous un stationnement municipal. Les scientifiques viennent de le confirmer: il s'agit bien de Richard III, le roi à la réputation sanguinaire qui a inspiré William Shakespeare (et son célèbre «Mon royaume pour un cheval!»). Comment les scientifiques ont-ils fait parler les vieux os du jeune roi?

VISAGE

À partir du crâne, on a pu redonner un visage à Richard III. La technique consiste à appliquer des couches de muscles et de peau de différentes épaisseurs selon les parties du visage - la marge d'erreur serait de moins de 2 mm d'épaisseur sur 70% du visage. La reconstruction a été réalisée en 3D à l'ordinateur avant d'être recréée en plastique. Un artiste judiciaire a terminé la réplique en choisissant la couleur de la peau, des yeux et des cheveux, ainsi que la coiffure et les vêtements, en se basant sur les portraits connus du roi. «Ces détails ne sont pas révélés par le squelette», a expliqué Caroline Wilkinson, professeur d'identification craniofaciale à l'Université de Dundee. Le résultat est frappant. «Il est très beau. C'est comme si vous pouviez lui parler», a dit, ému, l'historien John Ashdown-Hill.

CRÂNE

Il porte les marques de huit des dix blessures découvertes sur le squelette, dont deux blessures fatales. L'une aurait été causée par un coup d'épée, l'autre par une hallebarde.

ADN

Deux descendants de la lignée maternelle de Richard III, dont un dénommé Michael Ibsen, Canadien d'origine, ont fourni un échantillon d'ADN pour le comparer avec celui du squelette. De plus, la datation par carbone 14 a permis de confirmer que l'homme était mort dans la seconde moitié du XVe siècle. Elle a aussi révélé que l'alimentation de l'homme était riche en protéines, notamment en fruits de mer, signe qu'il était de haut rang.

POIGNETS

Ils ont été retrouvés posés l'un sur l'autre. Le roi était probablement ligoté lorsqu'il a été jeté dans sa tombe.

PIEDS

Absents. Le cadavre du roi a été profané. D'ailleurs, juste après sa mort, les vainqueurs se sont acharnés sur le corps. En témoigne une entaille sur un os du bassin causée par une épée plantée dans le postérieur royal...

COLONNE VERTÉBRALE

Shakespeare a décrit Richard III comme un bossu. Le handicap du roi n'était probablement pas aussi important, mais le squelette confirme que le roi souffrait d'une grave scoliose, apparue probablement durant la puberté. Même s'il mesurait 1,72 mètre (5 pieds 8 pouces), il apparaissait beaucoup plus petit, et avait l'épaule droite probablement plus haute que la gauche. Sa constitution était inhabituellement frêle, presque féminine, ce qui concorde avec les descriptions de l'époque. Par contre, contrairement au portrait qu'en avait fait Shakespeare, Richard III n'avait pas de bras atrophié.

TOMBE

L'été dernier, en creusant sous un stationnement municipal, les archéologues ont découvert le choeur de l'église de l'ancien monastère des franciscains de Leicester, détruit sous Henri VIII vers 1530. Même si le squelette a été trouvé dans cette partie de l'église réservée à l'inhumation de personnages importants, la dépouille de Richard III n'a pas eu droit aux égards normalement donnés aux rois: le corps nu y a été enseveli rapidement sans linceul ni cercueil.

USURPÉ OU USURPATEUR?

Richard III? Un bossu sans scrupules qui a assassiné ses petits-neveux pour mieux s'installer sur le trône, a dépeint Shakespeare dans son oeuvre Richard III, plus de 100 ans après la mort du roi... Propagande! répliquent aujourd'hui des historiens, qui soupçonnent le dramaturge d'avoir voulu plaire aux Tudor avec cette pièce. Né en 1452, Richard III a été le dernier de la dynastie des Plantagenêt à régner sur l'Angleterre. À la mort de son frère Édouard IV, il a envoyé ses deux neveux à la Tour de Londres avant d'être couronné. Pour les protéger? Pour les faire disparaître? Tout dépend à qui on pose la question. Philippa Langley, membre de la Société Richard III, est convaincue que le vrai Richard III était un roi aimé et que ce sont les Tudor qui en ont fait un monstre pour mieux asseoir leur pouvoir. «Je regrette, mais il n'a pas le visage d'un tyran.»

LA BATAILLE DE BOSWORTH

Le 22 août 1485, dans les champs près de Bosworth, dans le Leicestershire, l'armée du roi Richard III fait face à celle d'Henri Tudor, futur Henri VII. C'est la seconde rébellion à laquelle fait face le roi en deux ans de règne seulement. Au cours de la bataille, son cheval s'enlise dans un marais. «Un cheval! Mon royaume pour un cheval!», fait dire Shakespeare à Richard III dans la pièce qu'il lui a consacrée. Le roi est rattrapé par des soldats gallois qui lui fracassent le crâne. Vainqueur, Henri VII ramène le corps du roi dénudé à Leicester et l'exhibe à la foule, avant de le faire enterrer au monastère. Richard III avait 32 ans.

Sources: Université de Leicester, BBC