Des archéologues américains ont découvert en Turquie la plus ancienne mention de l'existence de l'âme dans la région. L'existence de cette stèle du VIIIe siècle avant Jésus-Christ signifie que la séparation de l'âme et du corps dans le monde judéo-chrétien ne proviendrait pas de l'Égypte des pharaons, mais d'une autre source pour le moment inconnue.

La stèle a été écrite pour un haut fonctionnaire de la cité-royaume de Sam'al, au sud-est de la Turquie, un site maintenant appelé Zincirli. «J'ai placé dans une chambre éternelle un festin», peut-on lire selon la traduction des chercheurs de l'Université de Chicago, retranscrite dans le New York Times. «Un boeuf pour le dieu Hadad, un bélier pour le dieu Shamash, et un bélier pour mon âme qui se trouve dans cette stèle.»

À l'époque, les peuples sémites, notamment les Israélites, croyaient que le corps et l'âme étaient inséparables. L'idée d'une âme immortelle, fondamentale dans la culture pharaonique égyptienne depuis des millénaires, n'avait pas été reprise ailleurs au Moyen-Orient. Certains exégètes, comme le Torontois Tom Harpur, avancent que le judaïsme tardif et le christianisme ont tiré leurs notions de base, comme la séparation de l'âme et du corps, des Égyptiens, grâce à l'unification de la région par Alexandre le Grand.

Jean-Marc Michaud, professeur de théologie à l'Université de Sherbrooke et membre du Laboratoire des études sémitiques anciennes du Collège de France, confirme que la découverte est très importante. «Il n'y a pas beaucoup de traces de contacts entre l'Égypte et cette région à cette époque, dit-il. Alors, on peut penser que l'idée d'une séparation âme/corps serait née par elle-même, ou alors empruntée à une autre culture que celle de l'Égypte. Un siècle après, chez les philosophes présocratiques, on a l'idée de la séparation entre le corps et l'âme. Ils ont peut-être été inspirés par un concept de cette région de l'Asie mineure, plutôt que par des idées égyptiennes.»

Le judaïsme d'alors ne croyait pas à la séparation de l'âme et du corps, et pour cette raison interdisait la crémation, comme la plupart des peuples sémites. Le sud-est de la Turquie était au tournant du premier millénaire avant notre ère dominé par le royaume hittite, puis a connu une relative indépendance sous la forme de cité États, avant de passer sous la coupe assyrienne. Le site où on a découvert la stèle a été fouillé par une expédition allemande voilà plus d'un siècle, et est resté en friche jusqu'aux travaux de l'Université de Chicago, qui ont commencé en 2006. L'inscription de la stèle a été dévoilée à la mi-décembre au congrès annuel de la Société de littérature biblique, à Boston.