Mission maintenue? Retardée? Devancée? Depuis qu'une fusée Soyouz a connu une défaillance en plein ciel, il y a deux semaines, l'astronaute québécois David Saint-Jacques ignore à quel moment il s'envolera dans l'espace. Mais il a confié à La Presse que malgré l'accident, il souhaite partir le plus tôt possible.

«Moi, c'est partir dès qu'on peut. Je suis prêt», a-t-il dit mercredi lors d'une brève entrevue téléphonique.

Le 11 octobre dernier, la fusée Soyouz qui devait amener l'astronaute américain Nick Hague et le cosmonaute russe Alexeï Ovtchinine à la Station spatiale internationale a connu un pépin deux minutes après son décollage. Les deux hommes ont réussi à rentrer sur Terre sains et saufs au terme de manoeuvres d'urgence, mais n'ont jamais atteint la station spatiale. Les autorités ont immédiatement annoncé qu'aucun vol habité ne sera effectué avant qu'une commission d'enquête russe ne fasse la lumière sur les événements.

À la suite de l'accident, on a cru que la mission de David Saint-Jacques, prévue pour le 19 décembre prochain, serait retardée. Mais la semaine dernière, l'agence spatiale russe Roscosmos a plutôt annoncé qu'elle tentera de la devancer au début du mois de décembre. La raison : le vol avorté fait en sorte qu'il n'y a actuellement que trois astronautes à bord de la Station spatiale internationale, et ceux-ci ne peuvent réaliser la totalité du programme scientifique prévu.

«Il y a des équipes entières qui travaillent d'arrache-pied depuis des semaines pour examiner tous les scénarios possibles. De mon côté, mon rôle est d'être prêt, peu importe quand le lancement aura lieu.»

Les autorités russes ont précisé qu'elles ne feront pas de vol habité avant que trois vols de Soyouz non habités ne soient menés avec succès. Or, pas moins de cinq vols de Soyouz sont prévus avant la mission de David Saint-Jacques : l'un pour ravitailler la Station spatiale internationale et les quatre autres pour lancer des satellites.

«Une fusée Soyouz [habitée] ne sera lancée qu'une fois que l'enquête aura établi les causes de la situation d'urgence et que des mesures auront été prises pour prévenir ce genre de situations à l'avenir», a aussi précisé Sergei Krikalev, directeur des vols habités chez Roscosmos. L'agence a dit espérer des réponses dès cette semaine.

Pas d'anxiété

Malgré cette tuile qui s'abat sur sa planification, David Saint-Jacques affirme ne pas être plus nerveux de s'envoler dans l'espace.

«Ça peut sembler surprenant, mais ce n'est pas une source d'anxiété du tout. C'est plutôt une source de focus, ça me pousse à accorder une attention supplémentaire à mes procédures et à mon entraînement», affirme-t-il.

L'astronaute québécois était aux premières loges lors de l'accident survenu le 11 octobre dernier. Il était au site de lancement de Baïkonour, au Kazakhstan, en tant que membre de l'équipage substitut.

«Dès qu'on s'est rendu compte qu'il y avait un problème, ma première préoccupation a été de savoir si l'équipage était correct. Alexeï et Nick, j'étais censé aller les retrouver à bord de la Station spatiale internationale. Ces deux gars-là sont un peu devenus des frères au fil des années d'entraînement.»

Il a entendu les membres d'équipage communiquer avec le centre de contrôle, puis avec les équipes de secours accourues à la rescousse des astronautes, qui ont atterri au milieu des steppes du Kazakhstan. Pour l'astronaute québécois, la crainte a alors fait place à la déception.

«J'avais le même sentiment que mes deux amis à bord : j'étais déçu. Après tant d'années d'efforts, c'est décevant pour eux et pour tout le monde. C'est sûr que ça jette un immense pavé dans la mare. Mais l'équipage est sain et sauf et c'est ce qui compte», dit M. Saint-Jacques. Avec le recul, il voit même un aspect «rassurant» dans la conclusion de cette mission avortée.

«L'aspect positif de l'histoire, c'est que malgré une anomalie majeure de la fusée en haute stratosphère, le Soyouz a ramené l'équipage sain et sauf au sol, dit-il. C'est vraiment une machine extrêmement robuste. Au bout du compte, c'est assez rassurant, comme membre d'équipage, de voir une démonstration pratique montrant à quel point le système est bien conçu.»