Située à 8000 années-lumière de chez nous, la première « exolune », une lune en orbite autour d'une exoplanète, vient d'être découverte par des astronomes américains. Quelques clés pour comprendre cette découverte digne d'un film de science-fiction.

GENÈSE DE LA DÉCOUVERTE

David Kipping, de l'Université Columbia, travaille depuis 10 ans sur la détection d'exolunes. « C'était la prochaine étape après la découverte d'autant de milliers d'exoplanètes », a expliqué l'auteur principal de l'étude publiée hier dans la revue Science Advances, lors d'une conférence de presse téléphonique lundi. « En examinant le transit de près de 300 exoplanètes devant leur étoile avec le télescope spatial Kepler, nous avons détecté des anomalies lors du transit de Kepler-1625b. Nos données nous ont valu 40 heures sur le télescope spatial Hubble, qui donne des images quatre fois plus précises que celles de Kepler. Le transit de Kepler-1625b devant Kepler-1625 dure 19 heures. Nous avons vu, trois heures et demie après l'ombre de Kepler-1625b, une seconde ombre plus petite sur l'étoile, comme un chien qui suit son maître au bout d'une laisse. De plus, nous avons vu que Kepler-1625b commence son transit devant son étoile une heure et quart plus tôt que ce que prédisent les calculs, ce qui est compatible avec le fait que son centre de gravité commun avec sa lune est décalé. »

UNE PLANÈTE PLUS GRANDE QUE JUPITER

Kepler-1625b a un diamètre supérieur à celui de Jupiter, la plus grande planète de notre système solaire, et sa lune a la taille de Neptune, soit environ quatre fois celle de la Terre. Cela est semblable au rapport entre la taille de la Lune et celle de la Terre. Kepler-1625b est une « géante gazeuse », comme Jupiter, c'est-à-dire que l'essentiel de son volume est gazeux plutôt que solide comme notre planète. Elle est située dans la zone habitable de son système solaire, avec une température de surface de 80 °C, mais comme il s'agit d'une planète gazeuse, tout comme son exolune, on n'y retrouve probablement pas de vie. Au passage, l'équipe de Columbia a réévalué à la hausse la distance de l'étoile Kepler-1625 : elle ne se trouve pas à 4000 années-lumière de la Terre, comme l'indique le catalogue de l'Union astronomique internationale, mais à 8000 années-lumière. Kepler-1625 fait un peu moins de deux fois la taille de notre Soleil.

DE LA VIE SUR L'EXOLUNE ?

Durant la conférence de presse, un journaliste du site GeekWire a posé la question incontournable : cette exolune pourrait-elle abriter la vie, comme Pandora dans le film Avatar ? « Je suis plutôt un fan de Star Wars, alors je parlerais plutôt d'Endor [dans The Return of the Jedi] », a dit Alex Teachey, l'autre coauteur de l'étude, lui aussi astrophysicien à Columbia. « Nous pensons que cette exolune est gazeuse. Je crois que quand les gens pensent à la Pandora d'Avatar ou à Endor, ils pensent davantage à une lune comme la nôtre, mais avec une atmosphère, comme la Terre. »

DES QUESTIONS EN SUSPENS

Les chercheurs préviennent qu'il faudra confirmer qu'il s'agit bel et bien d'une exolune, et non d'une anomalie créée par une autre exoplanète voisine de Kepler-1625b. « Nous avons demandé du temps de plus sur Hubble pour tirer ça au clair, nous espérons faire ça en mai prochain », a dit M. Teachey. L'autre inconnue est le processus de formation de cette exolune. Les chercheurs ont expliqué lundi en conférence de presse que dans notre système solaire, il existe trois manières de créer une lune : un impact (comme pour notre Lune et la lune Charon de Pluton), une accrétion en plusieurs endroits du nuage de matière de la protoplanète ou la capture d'un astéroïde (comme la lune Triton de Neptune). Pour plusieurs raisons, notamment parce qu'il s'agit d'une exoplanète géante gazeuse, les chercheurs pensent que l'exolune de Kepler-1625b était au départ une planète qui a été capturée par une planète plus grosse.

ILLUSTRATION DAN DURDA, FOURNIE PAR SCIENCE ADVANCES

Kepler-1625b et sa lune devant l'étoile Kepler-1625