Un chercheur de l'Université de Montréal a pris part à une étonnante découverte.

Les rayons cosmiques voyagent dans le cosmos à des vitesses approchant celle de la lumière, menaçant notamment la santé des astronautes. Jusqu'à maintenant, on croyait qu'ils étaient émis uniquement par les supernovae. Mais une équipe de scientifiques comptant un chercheur de l'Université de Montréal vient de détecter un nouveau « fusil à rayons cosmiques » dans le ciel - un système formé de deux étoiles gigantesques qui se tournent autour dans un ballet particulièrement violent.

Les rayons cosmiques fascinent l'être humain depuis plus d'un siècle. En 1912, le physicien autrichien Victor Hess les a découverts au péril de sa vie en s'élevant en ballon à plus de cinq kilomètres dans les airs, compteur Geiger en main. Mais bien malin qui peut dire d'où viennent ces particules chargées qui foncent dans le cosmos à des vitesses folles, gonflées à bloc d'énergie. C'est que les rayons cosmiques sont déviés par les champs magnétiques, si bien qu'ils ont bifurqué un grand nombre de fois lorsqu'ils nous parviennent. Bref, ils sont maîtres dans l'art de brouiller les pistes.

« Jusqu'à maintenant, on estimait que la mort des étoiles massives en supernovae était probablement la seule source des rayons cosmiques », explique Anthony Moffat, professeur émérite de physique à l'Université de Montréal.

Mais dans une étude publiée hier dans le prestigieux magazine Nature, M. Moffat et des collègues de la NASA ainsi que de plusieurs autres universités ont découvert une nouvelle source de rayons cosmiques.

« Ça fait tellement longtemps qu'on se pose la question d'où viennent ces rayons. Quand on découvre un endroit un peu différent des autres, ça fait avancer la science. On soupçonnait qu'il pouvait y avoir d'autres sources, mais c'est la première fois qu'on a des données qui montrent que c'est vraiment le cas », commente M. Moffat.

UN FUSIL NOMMÉ ETA CARINAE

Ce « fusil à rayons cosmiques », comme l'a surnommé la NASA, s'appelle Eta Carinae. On ne le voit pas de l'hémisphère Nord, mais il s'agit du point le plus brillant de tout le ciel après l'étoile Sirius. Situé à 7500 années-lumière de la Terre, Eta Carinae est un système de deux étoiles massives qui se tournent autour.

La première est un colosse qui fait 90 fois la masse du Soleil. La deuxième n'est pas un poids plume non plus, avec une masse 30 fois supérieure à celle de notre étoile. Ces deux monstres circulent sur une orbite elliptique très allongée. Résultat : ils s'éloignent considérablement l'un de l'autre, puis se foncent presque dessus à toute vitesse tous les cinq ans et demi. Chaque étoile traîne avec elle ce qu'on appelle un « vent stellaire » - de la matière éjectée de sa surface sous forme de plasma.

« Ces deux vents finissent par se frapper à une vitesse relative de 3400 km/s. C'est élevé. Si on convertit, ça fait plus de 12 millions de kilomètres/heure. » - Anthony Moffat, professeur émérite de physique à l'Université de Montréal

En se frappant, ces deux vents génèrent une onde de choc qui accélère certaines particules. Des champs magnétiques contribuent à les accélérer encore plus, les faisant atteindre des vitesses approchant celle de la lumière pour créer les rayons cosmiques qui se propagent ensuite dans le cosmos.

DES TRACES QUI NE MENTENT PAS

On l'a dit : puisqu'ils bifurquent au moindre champ magnétique, il est impossible de savoir d'où proviennent les rayons cosmiques. Ce ne sont donc pas eux qu'ont captés les chercheurs. Ils ont plutôt détecté d'autres rayons émanant du même processus de collision entre les vents stellaires : des rayons X dits « durs » parce qu'ils sont hautement énergétiques.

Ces rayons X ont été captés par le télescope spatial NuStar, de la NASA. « Pour nous, les rayons X étaient le smoking gun, dit Anthony Moffat. Ils ne peuvent provenir que d'un phénomène générant des rayons cosmiques, et NuStar nous montre qu'ils proviennent d'Eta Carinae. En plus, on a montré qu'il y avait plus de rayons X durs émis quand les deux étoiles s'approchent, ce qui confirme les conclusions. »

photo tirée du site de l’Université de Montréal

Anthony Moffat