Des astrophysiciens ont pu confirmer grâce au télescope spatial Hubble un corollaire de la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein énoncée il y a plus d'un siècle, et dont il pensait une observation directe impossible avec des étoiles lointaines.

Ces astronomes ont pu ainsi voir pour la première fois la lumière d'une étoile déformée par la force gravitationnelle d'un objet passant à proximité.

Ce phénomène appelé «effet de loupe gravitationnelle» ouvre une nouvelle fenêtre sur l'histoire et l'évolution des galaxies telle que la nôtre, la Voie lactée, estiment ces scientifiques, dont l'observation est publiée mercredi dans la revue américaine Science.

«Einstein serait fier. Une de ses principales prévisions a passé avec succès une épreuve d'observation très rigoureuse», s'est félicité Terry Oswalt, professeur de physique à l'Université d'aéronautique Embry-Riddle dans le Maryland.

L'effet de loupe gravitationnelle avait été observé pour la première fois en 1919 quand la lumière du soleil s'était déformée et avait pris la forme d'un cercle lors d'une éclipse totale.

«Quand un objet passe exactement entre nous et une étoile, cet effet de loupe forme un cercle parfait de lumière appelé l'anneau d'Einstein», a expliqué le professeur Oswalt.

Cette observation avait été la première preuve convaincante de la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein, selon laquelle la gravité est une force fondamentale agissant sur l'espace et le temps.

Mais Albert Einstein jugeait ce phénomène impossible à observer avec d'autres étoiles, trop éloignées les unes des autres.

Dans un article publié en 1936 dans la revue Science, le physicien allemand écrivait «qu'il n'y avait pas, pour cette raison, d'espoir de voir ce phénomène directement».

Einstein ne pouvait toutefois pas anticiper l'avènement du télescope Hubble en 2009 qui a révolutionné l'astronomie en permettant l'observation de galaxies et d'étoiles très lointaines.

À l'aide d'Hubble, l'équipe dirigée par Kailash Sahu du «Space Telescope Science Institute» de Baltimore, a pu observer la lumière déviée d'une étoile lointaine par une naine blanche, «Stein 2051-B».

Une naine blanche est une étoile ayant épuisé son hydrogène mais qui demeure massive malgré une taille réduite.

Un nouvel outil 

Au moins 97% des étoiles qui existent et ont existé dans notre galaxie, y compris le soleil, sont ou deviendront des naines blanches, ce qui nous informe à la fois sur notre avenir et notre passé, précisent ces scientifiques.

L'ampleur de la déviation de la lumière d'une étoile dépend directement de la masse et de la gravité exercées par la naine blanche.

La masse de Stein 2051-B représente environ les deux-tiers de celle du soleil.

Lors de cette dernière observation, le professer Sahu et son équipe ont remarqué que l'étoile et Stein 2051-B n'étaient pas totalement alignés, expliquant que le cercle d'Einstein formé par la lumière déviée était asymétrique, permettant de calculer la masse de la naine blanche.

Pour le professeur Oswalt, cette observation est importante car «elle procure un nouvel outil pour déterminer la masse d'objets célestes difficile à calculer autrement».

Cette recherche «résout aussi un mystère de longue date quant à la masse et la composition de la naine blanche Stein 2051-B», souligne-t-il.

Enfin, «l'équipe du professeur Sahu a également confirmé les conclusions de l'astrophysicien indien Subrahmanyan Chandrasekhar, prix Nobel de physique en 1983, pour sa théorie sur la relation entre la masse et le rayon des naines blanches», pointe le professeur Oswalt.

Grâce à cet effet de loupe gravitationnelle, des astronomes avaient annoncé en 2016 avoir observé pour la première fois quatre images simultanées d'une même supernova très lointaine.

Dans le cas de cette supernova, une étoile en fin de vie qui a explosé il y a plus de 9 milliards d'années, la masse des galaxies environnantes avait fortement déformé l'espace-temps et dévié la lumière.