Cartographier Mars afin de préparer des missions habitées vers la planète rouge. Tester la cryptographie quantique dans l'espace pour sécuriser nos communications. Aider des étudiants canadiens à construire et lancer leur propre satellite. L'Agence spatiale canadienne a dévoilé hier comment elle entend dépenser une somme spéciale de 81 millions de dollars qui lui avait été accordée lors du dernier budget fédéral. Aperçu des projets.

CARTOGRAPHIER MARS

Fouler le sol martien est le grand rêve spatial de notre époque. Et parce qu'il faut le préparer, l'Agence spatiale canadienne a annoncé hier la construction d'un instrument capable de cartographier en détail la planète rouge. Appelé « radar à ouverture de synthèse », il pourra scruter la glace qui recouvre Mars et même celle qui se cache sous sa surface. L'appareil sera installé sur un orbiteur que la NASA prévoit aller faire tourner autour de Mars vers l'an 2022 - une mission qui n'a pas encore été annoncée officiellement, mais dont l'Agence spatiale canadienne a été mise au parfum.

« Avant que la NASA en fasse l'annonce, il y a évidemment plusieurs discussions, et on a l'opportunité d'en faire partie dès le début », a expliqué à La Presse Sylvain Laporte, président de l'Agence spatiale canadienne.

Une carte détaillée de Mars servirait notamment à préparer d'éventuelles missions habitées. 

« Cette cartographie nous permettrait de savoir où se trouvent les réservoirs de glace, où on pourrait faire atterrir les prochains rovers et, ultimement, quelles sont les meilleures zones pour établir la présence d'humains », a souligné Gilles Leclerc, directeur général de l'exploration spatiale à l'Agence.

Notons que le Canada ne part pas de zéro dans ce projet puisqu'il a déjà lancé des satellites abritant des instruments radars, appelés RADARSAT, autour de la Terre.

CRYPTOGRAPHIE QUANTIQUE

Fait plus intrigant, l'Agence spatiale canadienne a aussi annoncé son intention de tester la cryptographie quantique dans l'espace. Cette méthode, basée sur les lois de la mécanique quantique, permettrait de transmettre des messages de façon à ce qu'ils soient pratiquement impossibles à intercepter et déchiffrer. Jean-Claude Piedboeuf, directeur général de la science et la technologie à l'Agence spatiale canadienne, explique que la technologie a déjà montré son potentiel sur Terre, mais qu'elle ne fonctionne pas au-delà de 200 km.

« Par satellite, on pourrait déployer la technologie sur de plus longues distances. Le satellite ne transmettra pas le message lui-même, mais bien la clé permettant de le décoder », précise-t-il à La Presse.

Concrètement, le satellite transmettrait cette clé de chiffrement en envoyant des photons un à un vers la Terre. Quiconque essaierait d'intercepter ce signal perturberait la polarisation des photons, la propriété qui contient justement la clé de décodage.

« Ça veut dire que cette personne détruirait la clé qu'elle veut intercepter », explique M. Piedboeuf.

L'objectif du projet est purement scientifique et vise à démontrer le potentiel de la technologie. Mais elle pourrait éventuellement être utilisée pour sécuriser les communications des banques, de l'armée et d'autres institutions.

CUBESAT

L'Agence spatiale canadienne organisera aussi un concours parmi les établissements postsecondaires de chaque province et territoire du Canada. Treize bourses de 200 000 $ chacune seront attribuées aux écoles gagnantes, qui pourront alors construire un satellite miniature cubique de 10 cm de côté appelé CubeSat. Ces satellites seront ensuite acheminés à la Station spatiale internationale, puis lancés dans l'espace. Un financement de 8 millions de dollars, distinct des 80,9 millions accordés pour les deux autres projets, y a été investi par le gouvernement fédéral.

« Quelle belle façon pour les jeunes Canadiens de développer les habiletés et l'expérience dont ils ont besoin pour les emplois du futur », a dit hier le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, lors de la conférence de presse tenue au siège social de l'Agence spatiale canadienne, à Saint-Hubert.

IMAGE Fournie par la NASA

Image non datée de la planète Mars

Un accueil de rock star pour Marc Garneau

Le ministre des Transports du Canada, Marc Garneau, a eu droit à tout un accueil, hier, lorsqu'il a poussé les portes du siège social de l'Agence spatiale canadienne, à Saint-Hubert. Plusieurs dizaines d'employés répartis sur des galeries en forme de demi-cercle et étalées sur trois étages l'attendaient avec impatience à l'entrée du siège social, et ont généré un tonnerre d'applaudissements parsemé de cris à son arrivée. En plus d'être le premier Canadien à être allé dans l'espace, Marc Garneau a dirigé l'Agence spatiale canadienne de 2001 à 2005.

« Je veux vous dire que j'ai un petit pincement au coeur aujourd'hui », a lancé le ministre, visiblement touché.