Envoyer une sculpture sur la Lune : c'est le projet ambitieux, mais tout à fait sérieux d'une artiste française qui s'apprête à faire tester une maquette de son oeuvre par les astronautes de la Station spatiale internationale (ISS).

Sorte de fleur « vivante », la sculpture d'Anilore Banon, « Vitae », aura la forme d'un cocon doré qui sera fermé le jour et s'ouvrira la nuit, découvrant des silhouettes de personnages stylisés. À certains moments choisis, un point lumineux devrait être visible depuis la Terre avec un télescope basique.

OEuvre participative, elle emportera avec elle les empreintes de nombreuses mains de Terriens qui seront gravées sur la corolle.

« L'objectif est de réunir symboliquement l'humanité autour d'un projet susceptible d'emmener les gens vers un futur positif », explique à l'AFP Anilore Banon qui a conçu l'oeuvre dans son atelier parisien.

Si l'aventure va jusqu'à son terme, cela ne sera pas la première oeuvre d'art installée sur la Lune. En 1971, la mission Apollo 15 a déposé en toute discrétion une petite sculpture en aluminium à la surface de notre satellite.

Réalisée par le Belge Paul Van Hoeydonck et intitulée « Fallen astronaut », elle rend hommage aux spationautes américains et russes morts pour la conquête spatiale.

Pour mettre toutes les chances de son côté, Anilore Banon a travaillé pendant quatre ans avec des scientifiques de la société française Dassault Systèmes et avec l'ingénieur britannique Shaun Whitehead.

Habituée aux oeuvres monumentales, Anilore Banon a dû se tourner vers des matériaux légers pour pouvoir les envoyer dans l'espace. L'oeuvre pèsera 1,5 kg dans sa version la plus modeste, pour un diamètre de 1,50 m.

La sculpture sera recouverte d'un film capable de supporter les importantes variations de température sur la Lune.

Grâce à un alliage de nickel et de titane à mémoire de forme, lorsque la température sera élevée le jour, le cocon sera clos. Avec l'arrivée de la nuit et la chute des températures, la corolle s'ouvrira.

Trouver de l'argent

Une nouvelle étape devrait être franchie le 18 février, date prévue pour le lancement d'un cargo ravitailleur SpaceX Dragon depuis Cap Canaveral en Floride. Il doit emporter entre autres un modèle réduit de « Vitae ».

L'objectif est de tester en situation de microgravité le comportement de ce matériau à mémoire de forme.

« Il fallait que la maquette rentre dans les petites boîtes de la Nasa », raconte l'artiste. « Nous l'avons donc pliée comme un origami. Dans la station, une fois déployée, elle fera 50 cm de diamètre ».

« La Nasa nous a donné son accord, notamment sur le plan de la sécurité ». Les astronautes devront en effet chauffer la maquette avec une toute petite batterie.

Autre défi, cette fois sur le plancher des vaches : récupérer un maximum d'empreintes de mains pour ce « Lascaux moderne ». La plasticienne rêve de recueillir un million de photos de mains, de tous les continents.

Ces images de mains seront numérisées et leur taille sera réduite pour les graver sur la sculpture.

Anilore Banon a créé un site dédié pour inviter le public à participer au projet et à aider à le financer.

Elle pense qu'elle n'aura pas de mal à trouver un lanceur pour sa sculpture, avec l'émergence récente d'acteurs privés, mais aussi grâce au regain d'intérêt pour la Lune dont semblent faire preuve les agences spatiales de plusieurs pays.

Sa préoccupation, c'est l'argent. « Il faut encore trouver 2,5 ou 3 millions de dollars pour pouvoir accomplir le projet ».

Mécénat, financement participatif : « C'est l'énergie de chacun qui permettra d'aller jusqu'au bout », dit-elle.

Se définissant comme un « forgeron nomade », Anilore Banon est notamment connue pour avoir réalisé en 2004 sur la plage d'Omaha Beach une sculpture monumentale « Les braves », en hommage au Débarquement de Normandie du 6 juin 1944.